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58 VOYAGE AUX SOURCES instants de sa vie, sous les yeux de son supérieur, et l’homme aime tant la diversité, que, en général, il se dégoûte d’être continuellement avec la même personne, surtout lorsque la présence de cette dernière lui rappelle des devoirs dont il voudrait s’affranchir. Il est rare que, dans un voyage de long cours, les passagers ne se querellent pas sans cesse, soit entre eux, soit avec leur capitaine; et une femme cé lèbre (1) disait que, pour guérir deux amants de leur pas sion, il faudrait les faire voyager en litière. Quoi qu’il en soit, les tracasseries que j’essuyais dans mon intérieur, et dont rien ne venait me distraire, ren daient insupportable ce voyage déjà si ennuyeux par lui- même, et qui était, à cause de la sécheresse, si peu fruc tueux pour l’histoire naturelle. Après avoir quitté le Rancho das Areas, je fis encore 5 le- goas dans le Mato Grosso, et tout à coup j’entrai dans un campo parsemé d’arbres rabougris, changement qui se fait brusquement, sans intermédiaire, comme celui d’une dé coration de théâtre ; et cependant il ne me parut pas qu’il y eût la moindre différence ni dans la nature ni dans l’élé vation du sol. Je passai la nuit dans une petite chaumière appelée le Sitio da Lage (le sitio de la pierre mince), qui était habitée par des femmes seules. La maîtresse de la maison ne se cacha point à mon arrivée ; elle me reçut très-bien et causa beaucoup avec moi. Elle avait vu le missionnaire capucin dont j’ai déjà parlé, il lui avait donné des instructions et des conseils, et elle paraissait enchantée de son zèle et de sa charité. (1) M"' de Sé vigne.