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160 ARCHITECTURE CIVILE ET DOMESTIQUE. sieurs étages par des retraites successives. Mais depuis lors, ces traditions se sont effacées. La noblesse et la bourgeoisie qui les avaient si longtemps gardées ont accepté notre manière moderne de construire. Il n’y a plus que monotonie et sécheresse dans ce qui se bâtit aujourd’hui. La charmante variété des cloche tons de cette maison ; le mérite de toutes ses principales parties sont pages muettes ou lettres closes pour les riches et les puissants du jour. Le sentiment du beau s’éteint de plus en plus dans ceux à qui les privilèges de la fortune im poseraient le devoir de le cultiver et de le faire refleurir. Et pourtant, que de vitalité dans un pays théâtre de tous les fléaux de la guerre, pour que de pareils édifices s’élevassent dans la ville même qui avait subi le plus de déchirements de tout genre exercés de ses propres mains. Temples dé pouillés, quartiers entiers renversés, incendiés, populations décimées, rien n’y fait; quelques jours d’ordre et de paix suffisent, et l’art, après tant de désastres, trouve des inspirations qui annoncent une nouvelle phase de son règne : car dans la façade de cette maison de Munster on peut déjà pressentir les innova tions de la renaissance. Le luxe architectural n’y est presque plus analogue à celui de l’hôtel de ville. Une autre influence s’y fait sentir, et prélude par des essais successifs à une transition qui ne se fera pas longtemps attendre. Mais toujours l’extérieur des constructions est soigneusement et délicatement traité par un habile ciseau. Rien n’est encore négligé à cet endroit. Nos père?, si l’on peut ainsi parler, regardaient leurs demeures comme le contre-pied de leurs personnes; la beauté extérieure en devait faire tout le mérite : idée aussi morale que poétique et qui prêtait singulièrement au développement de l’art et de la civilisation : tandis que de nos jours tout est sacrifié aux moindres aises de l'inté rieur, chacun n’ayant souci que de ce qui peut au dedans répondre aux exi gences de la vie matérielle. Les anciens bâtiments de quelque valeur étaient comme autant de livres illustrés pour le public. Le beau y avait de droit son expression au dehors, droit accepté et respecté de tous à l’envi. Le faire revivre, enjoignant avec un soin constant l’utile à l’agréable, tel est le but auquel de notre côté nous devons tendre de tous nos efforts : déjà nous pouvons pressentir ' qu’ils ne seront point entièrement stériles. Si faible que fût notre part dans le succès attendu, n’aurions-nous pas à nous en féliciter?