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sérieux! La physionomie des accoutrements n’est point, d’ailleurs, toute de caprice. Les change ments successifs des costumes de guerre sont intimement liés aux choses de l’armement, et c’est en raison d’une logique étroite que l’on voit d’abord s’accomplir les progrès de l’armement défensif pendant toute une longue période, au bout de laquelle on rencontre la dernière expression de l’ar mure complète, dite chevaleresque, formant à l’homme d’armes une carapace d’acier dont le guer rier est entièrement enveloppé. Puis, par une conversion non moins logique, résultant du perfec tionnement progressif des armes à feu, de la balle du mousquet et du pistolet perforant l’acier des cuirasses, on renforce les pièces principales en abandonnant successivement les autres, jusqu’à ce qu’enfin, généralement, tout le vieux système soit délaissé. Dans nos sociétés compliquées et avec leurs nombreuses vicissitudes, il y a lieu d’hésiter parfois lorsqu’il s’agit d’affirmer à quel courant il convient d’attribuer l’impulsion de la mode. Est-ce tou jours d’une élite qu’elle dépend? n’est-ce jamais une écume qui l’impose? Plus notre politesse s’est perfectionnée, et plus la mode a dépendu chez nous d’une élite. En d’autres cas, antérieurs à la vraie politesse, on hésite à considérer comme telle nombre de ceux qui, par l’exemple de leurs caprices et de leur luxe, ont décidé du goût de leur époque. Les Isabeau de Bavière, les Catherine de Médicis et les reine Margot composent-elles une élite? ou faut-il les confondre avec les du chesse d’Etampes, les Diane de Poitiers, les Gabrielle d’Estrées, les Montespan, les Pompadour, etc.? Nous n’avons rien à décider sur ce sujet, notre tâche n’étant nullement celle du moraliste, et ne voulons retenir des points de vue de celui-ci qu’une seule observation défait, c’est que, en définitive, ce n’est point sur l’extérieur des gens, et quelque osés que puissent paraître certains ac coutrements , qu’il convient d’apprécier la moralité de telle ou telle société. Les femmes nobles qui accompagnèrent les guerriers des premières croisades en revinrent éprises du goût oriental; elles rapportèrent chez nous l’usage des ouvrages sarrasinois, entre autres celui des étoffes légères, élastiques, en petits plis, de ces crêpes de soie que l’on voit dans la statuaire de nos vieilles cathédrales, moulant les formes du torse qu’elles dessinent dans toute sa pureté, jusqu’à l’arrêt de la ceinture lâche à bouts flottants suivant les contours du bassin, la robe se prolongeant par les plis de la gipeou gipon. La hardiesse de ces dames, exhibant en public des vêtements inspirés de certains costumes portés dans l’intérieur des harems, peut-elle faire supposer que les dames et damoi- selles de haut lignage revenaient chez nous avec un caractère plus ou moins approchant de celui de la femme asiatique, traitée comme une esclave? Ce serait commettre une erreur complète, et loin de répondre à une époque d’avilissement de la femme européenne, ce mouvement de la coquet terie féminine répond à la naissance de la galanterie chevaleresque, c’est-à-dire à une transforma tion saisissante du rôle de la femme chez nous. C’est plus qu’un prélude, c’est son véritable anoblis sement qui date de ce temps-là. Avant, et telle qu’on la voit par les plus vieilles chansons de gestes, la femme est en butte à de brutales colères; les anciens preux l’injurient grossièrement, la soufflètent, la saisissent par les cheveux, la bâtonnent et la menacent de l’épée. Tout à coup, les rapports se trouvent tellement changés entre les deux sexes, que la femme devient, en quelque sorte, l’objet d’une adoration perpétuelle pleine du plus profond respect. Le guerrier tremble de vant elle; il se soumet pour lui plaire aux plus dures épreuves; il expose sa vie en aspirant pour prix de son dévouement absolu à l’obtention d’une parole aimable, d’un sourire, d’un bout de ruban que la dame aura porté. Des compositions littéraires d’un goût tout nouveau préconisent ce genre de servitude, en répandant les leçons d’un sentimentalisme plein de subtilités. Et cette im-