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tement oublié ma famille pour réparer les maux de l’inondation. Par ma prudence et mes tra vaux, j’ai ému les esprits; mon cœur ne connaissait pas les heures de repos; c’est en travail lant sans cesse que je me reposais. Mon affliction a cessé; la confusion de la nature a disparu. Les grands courants du midi se sont écoulés dans la mer. Les vêtements de toile pourront être confectionnés, la nourriture préparée; les dix mille royaumes sont désormais en paix, et pourront se livrer éternellement à la joie. » Ce langage émouvant du grand homme qui, 2,200 ans avant J.-C., employait le triangle rectangle pour exécuter ses grands travaux de nivelle ment, qui, allant d’une montagne à l’autre, coupant les forêts, faisait rentrer les fleuves dans leurs lits, les maintenant dans leur chemin en les conduisant à la mer, parfois sur des lon gueurs de plus de cinq cents lieues (comme le parcours du fleuve Kiang, dont les chaussées et les digues construites par Yu subsistent encore, dit-on), ce langage, gravé par ses soins sur un rocher conservé dans la province du Chen-Si, au musée de Singanfou, où le père Amyot • en a pris copie, on peut dire qu’il n’a cessé de retentir au cœur de chacun des Chinois qui ont vécu depuis Yu, c’est-à-dire depuis quelques 3970 ans, et en y conservant l’impression des profondes solidarités qui font les patries immortelles. » Nous renvoyons à notre Ornement, où le détail des choses est représenté, pour reconnaître par quel moyen les Chinois ont inscrit, en le perpétuant, l’équivalent de l’héroïque langage que l’on vient d’entendre sur le vêtement de leurs fonctionnaires, y compris celui des empereurs. On y verra comment le bas de la robe d’honneur, formant un horizon circulaire, offre le spectacle de tout ce qui se produit de plus grave, lorsque à la violente irruption des eaux s’ajoutent les révolutions vol caniques, et que les fragments des roches basaltiques vomies par les cratères viennent, dans la marche tumultueuse de pierres dont le roulis fera des galets, effacer les sillons du labour, semant en place leur stérilité. Mais on y verra, en même temps, comment ce désolant spectacle d’une destruc tion qui paraît universelle est dominé par la puissance humaine. L’empereur est là, représenté par le dragon à cinq griffes, et tout sera réparé par sa haute intervention. On n’y voit pas le mirage de l’arc d’alliance, mais un emblème qui en joue le rôle, et qui, par sa nature, va peut-être plus sûre ment au cœur de l’homme de la terre, en offrant à ses yeux désolés, enrubannée comme un bou quet de fête, la fleur horticole, la rose de Chine, annonçant à chacun que, malgré le déluge, on reverra les baux jours des cultures florissantes. C’est une véritable transcription du langage de Yu, « les dix mille royaumes pourront se livrer éternellement à la joie, » comme c’est le souvenir même de l’action de l’homme de génie qui a mis tant de cœur à se rendre utile à son pays; et nous 11e croyons pas trop nous aventurer, en assurant que chez aucun peuple aucune broderie de vêtement n’a offert un intérêt égal à cette broderie du costume officiel de tous les gens de cour et des mandarins. Ainsi que nous l’avons fait observer, nous ne cherchons dans les lointaines annales delà Chine que ce qui peut servir à constituer de véritables archives pour la famille humaine; or, par l’échelonnement des temps fabuleux, par l’histoire des complètes de l’homme sur la matière aboutissant à des faits historiques certains, il résulte des travaux des lettrés chinois le tableau le plus complet, le plus heu reusement gradué que l’on possède sur ces hautes et si obscures époques. Leur date originelle est déjà bien élevée, quoique certes elle ne soit pas faite pour étonner les géologues, et cependant, nous devons le signaler, l’homme et les premières civilisations, selon certaines versions, remonteraient en core beaucoup plus au loin. De Gobineau, dans ses études sur l’inégalité des races humaines, pénétré