16 PREMIER VOYAGE Les buffles avaient eu le vent de leur ennemi commun : les chasseurs s’étaient élancés au grand galop au mi lieu d’eux. La terre semblait trembler sous leurs pas, et les bruits sourds que l’on entendait étaient semblables aux mugissements du tonnerre éloigné. Les chasseurs tiraient à droite et à gauche ; ils firent un grand carnage parmi les p'us gras de ces animaux. Je retournai avec eux au camp. Ils avaient chargé plusieurs chevaux de langues, de bosses. de côtes , etc., abandonnant le reste aux loups et aux vautours. Nous campâmes à une petite distance de cette boucherie., et chacun se mit en mouvement dans le camp pour fairè la cuisine. Manquant de bois sur les bords de la Plate, nos gens se servirent de la fiente sèche du buffle, qui brûle comme la tourbe. Il nous fallut recourir souvent au môme expédient dans les prairies des Côtes-Noires. Au milieu de la nuit, des bruits affreux, des hurle ments , des aboiements m’éveillèrent ; on aurait dit que les quatre tribus Pawnées s’étaient rassemblées pour nous disputer le passage, sur leur territoire. Je réveillai mon guide pour savoir la cause de ce bruit et pour le disposer à recevoir l’attaque de l’ennemi. Il me répondit en riant : « Tranquillisez-vous , ce n’est rien. Les loups sont à faire festin après leur long carême d’hiver : ils se partagent les carcasses des vaches que les chasseurs ont laissées dans la prairie. » Les loups sont très-nom breux dans ces régions. D'après le dire des sauvages, ils tuent tous les ans le tiers des veaux des buffles ; souvent même , lorsqu’ils sont en fortes bandes, ils at taquent les gros bœufs ou les vaches, se portent tous ensemble contre un seul buffle , et en un instant le jettent par terre avec une grande dextérité et le dévorent. J’ajouterai ici, pour vous donner une idée du grand nombre de ces animaux dans le Missouri, que cette année 1840, la compagnie des pelleteries a descendu soixante- sept mille robes de buffles à Saint-Louis. On évalue en