— 58 — qu’il n’en auoit quafi que pour fon voyage, cependant on ne fçauoit plus que manger, tout le magafin eftoit defgarni & n’y auoitplus de champignons par la cam pagne, ny de racines dans le iardinjon regardoit du cofté de la mer & on ne voyoit rien arriuer, la faifon fe paffoit & tous fe defefperoient du falut du fieur du Pont & d’eflre fecourus affez à temps. Les Religieux eftoient affez empefchez de confoler les autres pendant qu’eux mefmes patiffoient plus que tous. Leur recours principal eftoit à la faincte Oraifon & aux larmes qui leurferuoient en partie de pain, & tafchoient de con foler les pauures hyuernans en leur prefchant la pa tience & d’efperer en Dieu qui n’abandonne iamais les liens au befoin, & comine le P. Paul leur eut re commandé de prier pour ledit fieur du Pont, pendant que luy mefme difoit la fainéte Meffe à fon intention, ils fe prirent tous à plorer & fe lamenter auec tant de vehemence qu’ayant fléchi Dieu à exaucer leurs vœux 4y il leur fift la || grâce de voir peu de iours après ledit fieur du Pont auec le grand Nauire qu’ils penfoient eftre perdus, eftre dans leur port affeuré, ce qui leur caufa une ioye telle que l’on peut penfer. Si iamais ils deuffent loüer Dieu ce fut lors, car le fubieft y eftoit grand & puiflant, comme des perfon- nes fecouruës au temps qu’ils croioient tout perdu & les chofes plus defefperées, les louanges qu’ils en rendirent à Dieu furent accompagnées non plus de larmes de trifteffes, mais de ioye auec un tel excès qu’ils en eftoient comme hors d’eux mefmes, dont la nature par fes deux pallions fut quafi eftouffée & comme n’ayant plus de fentiment. Le fieur du Pont