— 207 — auant que i’euffe aucune cognoiifance, ny nouuelle du lieu où efloient ar- || riuez mes confrères, iufques 216 à un certain iour que le Pere Nicolas accompagné d’un Sauuage, me vint trouuer de fon village, qui n’efloit qu’à cinq lieues de nous. le fus fort refioüy de fa venue, & de le voir plein de fanté (luy qui efloit d’une complexion fi foible) que Dieu luy auoit con- feruée au milieu de tant de trauaux & de difettes qu’il auoit fouffertes depuis noflre parlement de la traite iufques à cette entreueuë, auec fon barbare mal gracieux & chiche au pofïible en fon endroit, qui le faifoit prefque mourir de faim. Mes Sauuages au contraire plus doux & courtois, firent voir par le bon accueil qu’ils firent à ce bon Pere, & à tous les François qui me vindrent voir, combien efloit différante leur bonne humeur de celle de ce mélancolique, car outre qu’ils les receurentauec une face ioyeufe & contente, ils les firent incontinent feoir, petuner & manger en attendant le manifique* feftin du foir qui fut fait de farine qu’ils appellent ef- chionque, de laquelle ils furent tous plus que fuffi- famment raffafiez & non point enyurez, car ils ne beurent que de l’eau pour toute boiffon, & couchèrent fur la terre nue. Le lendemain matin nous primes refolution le Pere Nicolas & moy auec quelques François d’aller trouuer le Pere lofeph à fon village esloigné du noflre 4. ou cinq lieues, car Dieu nous auoit fait la grâce que fans l’auoir prémédité nous nous || mifmes à la 217 conduire de trois perfonnes, qui démeuroient chacun en un village d’égale diflance les uns des autres, fai-