— 205 — pas efté le moyen de rien gaigner fur eux ; mais pluf- toft d’acquérir la difgrace d’un chacun, & fe faire hayr de tous : car à mefme temps qu’un effranger a donné à l’un d’eux quelque petit fuiet ou ombrage de mef- contentement, il eft aulïi tort fçeu par toute la ville de l’un à l’autre : & comme le mal eft pluftoft creu que le bien, ils vous eftiment tel pour un temps, que le mefcontant vous a defpeint. || Noflre bourgade eftoit de ce collé là la plus 214 proche voifine des Hyroquois, leurs ennemis mor tels, c’eft pourquoy on m’aduertilfoit fouuent de me tenir fur mes gardes, de peur de quelque furprife pen dant que i’allois au bois prier Dieu, ou aux champs cueillir des meures champellres: mais ie n’y rencon- tray iamais aucun danger ny hazard (Dieu mercy) il y eut feulement un Huron qui bandit fon arc contre moy, penfant que ie fuffe ennemy : mais ayant parlé il fe raiîeura,&. me falua à la mode du pays, Quoye, puis il paffa outre fon chemin, & moy le mien. le vifitois aulli par fois leur cimetiere, qu’ils ap pellent Agofayé, admirant le foin que ces pauures gens ont des corps morts de leurs parents & amis deffunéls, & trouuois qu’en cela ils furpafïoient la pieté des Chreftiens, puifqu’ils n’efpargnent rien poul ie foulagement de leurs âmes, qu’ils croyent immor telles, & auoir befoin du fecours çles viuans. Que fi par fois i’auois quelque petit ennuy, ie me recreois & confolois en Dieu par la priere, ou en chantant des Hymnes & Cantiques fpirituels, à la loüange de fa diuine Majefté, lefquels les Saunages efcoutoient auec attention & contentement, & me prioyent de chanter