— i 7 5 — Les dangers & périls qu’on rencontre en chemin font fi grands & frequens qu’ils ne fe peuuent pref- que expliquer, car premièrement en quatre-vingt ou cent fauts qu’il y a delà riuiere des prairies aux Hu- rons, il y en a une quantité que l’on ne fe hafarderoit iamais fi la fage conduite des Sauuages ne vous en donnoit l’afleurance. Il faut aduoüer que le marcher pieds nuds & fans fandales, comme i’ai fait par tout le voyage, allant & venant, à l’imitation de noftre Sé raphique Pere fa in et François, & des premiers Re ligieux de noftre Sacré Ordre, qui ont parcouru toute la terre habitable en cet eftat,m’eftoit d’une grande peine, contraint d’ainfi faire à caufe qu’eftant fur terre nous rencontrions fouuentdes rochers, des lieux fangeux, & des arbres tombez qu’il nous falloir à toute heure eniamber, & nous faire quelquesfois paf- fage auec la tefte & les mains par les bois toffus, hail- liers & broffailles, fans fentier, ny chemin, mais ie ne fçay fi on pourrait fouffrir une plus rude mortifica tion que des mauuais vents de l’eftomach que fes falles gens rendent prefque continuellement dans leurs ca nots, qu’en guyfe de pots de chambre ils fe feruoient de leurs ef- || cuelles à potage, ce qui ferait capable de 181 fe defgouterdu tout de fi defagreables compagnies, fi on ne fe mortifioit pour l’amour d’un Dieu, & la gloire d’un Paradis qui mérité chofe plus grande. La piqueuredes moufquites coufins & moucherons defquels il y a de trois ou quatre fortes, comme ie di- ray à la fin de ce Chapitre, eft un autre tourment fi grand qu’il femble autant de petits Démons, defquels ie penfay perdre la veuë, comme i’en fus offencé au