— I 7 2 — miere fois, qu’à deux cens lieues de Kebec, à la nation que nous appelions les Ebicerinys ou Sorciers, & les Hurons Squekaneronons. Noftre premier gifle fut à la riuiere des prairies, qui eft à cinq lieues au deffous du Saut fai nef Louis, où nous trouuames defià d’autres Sauuages cabanez, qui faifoient feflin d’un grand ours qu’ils auoient 177 pourfuivy & pris dans la riuiere comme il || penfoit fe fauueraux Isles voifines : Ces barbares faifans bonne chere, fe refioüifl’oient honneflement, chantoient tous enfemblement, puis alternatiuement, d’un chant fi doux & agréable que i’en demeuray tout eftonné & rauy d’admiration : de forte que depuis ie n’ay rien ouy de plus armonieux entr’eux ; car leur chant ordi naire eft allez mal gracieux. Nous cabanames allez proche d’eux & fifmes chau dière à la Huronne, mais pour ce coup ie ne pû encor manger de leur fagamité, pour ce qu’elle me fembloit trop fade & defgouftante, & me fallut ainfi coucher fans fouper, car ils auoient mangé en chemin tout le petit fac de bifcuit que i’avois pris aux barques pour mon voyage, fans s’informer s’il me feroit befoin ou non, comme gens qui n’ont pas grand foucy du len demain , & puis me voyant fi délibéré & contant * dans ma mifere, ils croyoient que leur fagamité me fembleroit bonne à la fin du compte, & par ainfi qu’il n’y auoit pas grand danger de s’accommoder pour m’incommoder de mon bifcuit, duquel ils firent place nette le mefme iour de noftre partement. Noftre lit fut la terre nuë dreffé à l’enfeigne de la Lune, auec une pierre pour mon cheuet plus que n’a-