— 124 — bandonner le Nauire à la violence de la tourmente, & des flots qui nous balotoient d’une eftrange façon fans que nous fçeuflions où les vents nous iettoient, pour ce qu’il eftoit impoflible pour lors de prendre les ele- uations ny par le Soleil, ny par le Nord, & de nous fauuer encore moins, fi Dieu noftre vray Nocher ne nous euft protégé & fauué par une grâce fpeciale de ceft euident naufrage. Cependant s’il y auoit quelque coffre mal amarré onl’entendoitrouller&quelquesfois la marmite eftoit renuerfée, & en difnans ou foupans fi nous ne tenions bien nos plats ils voloientdela table à terre, & les falloit tenir aufli bien que la tafl'e à boire félon le mouuement du Nauire que nous laiflions aller à la garde du bon Dieu, puis qu’il ne gouuernoit plus, & n’y pouuions remedier. Pendant ce temps là les plus deuots paflagers prioient Dieu & fe mettoient en bon eftat, mais pour les Matelots ie vous afléure qu’ils ne tefmoignerent iamais moins de deuotion finon quel qu’un, encore eftoit-ceencachettepeurd’eftre mocqué, mais quand c’eft tout à bon qu’il faut périr, c’eft alors que tout le monde fe met en fon deuoir, mais fouuent 124 trop tard par une inuention du || Diable qui nous fait différer noftre conuerfion. Il eft très bon de ne fe point troubler, voire très neceflaire pour chofe qui arriue, à caufe que l’on eft moins apte à fe tirer du danger, mais il ne s’en faut pas monftrer plus infolent, ains fe re commander à Dieu, &trauaillerà ce àquoy on penfe eftre expédient & neceflaire à fon falut &deliurance. Or ces tempeftes bien fouuent nous eftoient prefa- gées par les Marfoins qui pour lors enuironnoient noftre vaifleau par milliers fe ioüans d’une façon fort