— ii 7 — de Suedre à çaui'e de plufieurs lieux dangereux inco- gnus aux Pilotes eftrangers. Celuy que nousprifmes à la Rochelle tout expérimenté qu’il fe difoit, penfa neantmoins nous faire perdre, car n’ayant voulu iet- terl’anchre par un temps de bruine comme on luy confeilloit, fe fiant à la fonde, il nous ietta fur des fables où nous demeurâmes efchoüez depuis les quatre ou cinq heures du foir, iufques au lendemain matin, que la marée nous remit fus pied & en eftat de vo guer. le vous laifl’e à confiderer en cette difgrace qu’elle pouuoit eftre la penfée d’un chacun, & fi elle n’eftoit pas capable d’affliger les plus refolus , car le Nauire eftoit tellement couché, que fi Dieu par fa bonté ne nous eut preferué& calmé du tout le temps, c’eftoit faict du Nauire & de nous tous. Le Capitaine & conducteur du Nauire eftoit dou blement affligé, car il fe voyoit à la veille de || perdre 1 16 non feulement le corps, l’honneur & les biens, mais en fuitte tout l’equipage, aucun duquel n’eut le cou rage de boire ny de manger, encore que le fouper fuft preft & feruy : pour moy i’eftois fort debile & enflent volontiers pris quelque chofe, mais la crainte de mal édifier me retint, me fit ieufner comme les autres, & demeurer en priere toute la nuiét auec mon compa gnon : nos Matelots parloient des-ja de ietter en mer le Pilote Rochelois, qui nous auoit efchoüé, pendant qu’une partie de l’equipage vouloient fe faifir de l’ef- quif pour chercher leur feureté, fi le Capitaine coura geux ne les en eut empefché & menacé d’un coup de piftolet le premier qui s’y ingereroit. Il les contraignit detrauailler pour le falut de tous, leur fift pofer les