I 10 naturel du Sauuage du Pere fut remarquable, en ce qu’ayant une efpece de bas de peau d’Eslan aux || 108 jambes, il les vouloit defchauffer pour luy faire pren dre, & le deffendre aucunement du froid qu’il luy voyoit fouffrir mais il l’en remercia bien-humble- ment, aymant mieux qu’il s’en feruit luy-mefme, que luy qui faifoit profeffion d’aller pieds nuds & viure en Apoftre. Le Sauuage le pria donc de s’arrefter là , pendant qu’il yroit dans le bois prochain, d’où il rapporta fon col chargé de bufches, qu’il accommoda dans les plus mauuais endroits par où le Pere deuoit paffer pour gaigner la terre ferme, & arriuer au lieu où l’on de uoit cabaner. Voyez un peu ie vous prie le bon natu rel de ce Sauuage, & combien nous ferons blafmables deuant Dieu de noftre peu de charité. Etoit-ce pas encore une aâion bien louable au fils du Capitaine la Forrier, lequel voyant le Pauure Pere lofeph le Caron fatigué du mauuais chemin & prefque tranfi de froid, le pria de tenir le deuant afin démar cher plus à l’ayfe, & trouuant des lieux propres, il luy allumoit du feu pour le refchauffer, & luy rendoit tout le feruice poffible à un pauure Sauuage : ie ne fcay ce que vous en penferez, mais i’ay receu tant de fecours d’aucuns, que ie ferois plus volontiers le tour du monde auec eux qu’auec beaucoup de Chreltiens & d’Ecclefiaftiques mefme. Le Pere Irenée eftant efueillé partit de ce marelt auec fes Sauuages pour Tadouffac, où ils arriuerent à nuiét clofe auec bien de la peine, tant à caufe du mauuais vent, que pour la difficulté qu’ils eurent de