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Or nos barbares en leurs feftins font exempts de ces mal-heurs là Dieu mercy, car on n’y prefente iamais ny vin, ny biere, ny citre, & fi quelqu’un demande à boire, ce qui arriue fort rarement, on lui donne de l’eau toute claire, non dans un verre, mais dans une efcuelle ou à mefme le chaudron, qu’il auale gaillar dement, & par ce moyen font exempts d’iurognerie, qui eft un grand bien & pour le corps & pour l’efprit, car il eft croyable, que s’ils auoient l’ufage du vin, qu’ils fe rendraient intemperés comme nous, &puis feraient des furieux, comme on a veu en quelques Montagnais, coeffez d’eau-de-vie que les Mattelots leur traiéient. Nos Sauuages ont ie ne fçay quoy de prudent & venerable dans leurs desbauches, qu’ils ne s’émanci pent point ayfement en parolles & difputes, vont aux feftins d’un pas plus modefte & reprefentans fes ma- giftrats, s’y comportent auec la mefme modeftie & filence, & s’en retournent en leurs maifons & caba nes auec la mefme fageffe : de maniéré que vous di riez voir en ces Meflieurs là, allant à leur brouet, les vieillards de l’ancienne Lacedemone. Valerius Léo, donnant un iour à foupper à Jules Cefar en la ville de Milan ferait à table des afperges, où l’on auoit mis d’une huyle de fenteur, au lieu d’huyle commun*, il en mangea fimplement fans faire femblant de rien, & tança fes amis qui s’en offen- çoient, en leur difant qu’il leur deuoit bien fuflire 96 de n’en manger point fi || cela leur faifoit mal au cœur, fans en faire honte à leur hofte, & que cejuy qui fe plaignoit eftoit bien inciuil & mal appris.