modèle, est toujours un louage d’industrie à titre onéreux. Peu im porte de savoir qui est allé trouver l’autre; le modèle dit gratuit, sollicité par des courtiers de M. Reutlinger, paie son portrait en abandonnant au professionnel le droit fructueux d’exposition, de reproduction et de vente, mais ne renonce pas au droit de veto par le fait de la remise modeste et insuffisante d’une douzaine de photocopies. La renonciation à un droit ne se présume pas, elle doit être expresse. Les deux principes peuvent donc coexister simultanément; mais le droit de reproduction du photographe doit s’effacer devant non-seulement le droit de veto du modèle, mais aussi devant celui qui appartient incontestablement à ce dernier de se faire portraiturer par un autre artiste. Ce que ni le modèle gratuit ou commettant, ni aucune autre per sonne ne peut faire, c’est d’utiliser le cliché du photographe pour faire la reproduction sans acquitter le tarif, parce que le phototype négatif est l’œuvre propre de l’artiste. Le reproduire à son insu, ce serait représenter, non pas matériellement la figure du modèle, mais la vision personnelle du créateur ; une publication dans ce sens serait contraire aux principes de la propriété artistique. Ainsi peuvent coïncider le droit du modèle de veiller à ce qu’on ne reproduise pas scs traits sans son autorisation, et le droit du photo graphe sur son cliché, consistant à ne pas laisser faire de publication au delà de la quantité qui lui a été payée. Vouloir les envisager séparément, c’est créer un monopole abusif dans l’un comme dans l’autre sens. Si un conflit se produisait entre les deux droits rivaux, le Tribunal pourrait intervenir pour faire fléchir l’un ou l’autre dans certaines limites, suivant les espèces; mais, en général, on peut dire que tout dépend de l’autorisation tacite donnée au photographe par le modèle qui, de son côté, ne peut, au détriment du commerçant et sans porter atteinte aux droits de ce dernier, faire multiplier ou reproduire les photocopies tirées du phototype négatif. — lien est en matière de pho tographie comme en matière d’édition : le photographe est l’éditeur d’un visage, mais le modèle reste maître de ses traits, comme l’auteur de sa pensée. Armant Bigeon, docteur en droit, avocat à la Cour d’appel. (A suivre.) Paris, ce 2 janvier 1899.