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qui avait surgi au sujet de l’art dans la photographie, rappelons brièvement que l’art est une création. L’œuvre artistique, telle qu’elle est considérée par Taine et V. Cousin, chefs de deux écoles opposées, n’est pas une reproduction servile de la nature. Le photographe, comme un peintre, un sculpteur ou un dessinateur, conçoit l’image avant de la fixer sur la plaque sensible, et le résultat est non pas l’imitation d’un objet réel, mais une vision personnelle de celui-ci à travers le voile d’une imagination. Et si pour la nature matérielle d’un paysage, par exemple, il en est ainsi, à plus forte raison, l’artiste doit-il se révéler pour peindre un visage humain sur lequel se joue l’expression fuyante de l’idée qui émeut : plaisir ou douleur. C’est faire œuvre de psychologue, de saisir au passage cette impression rapide manifestant le véritable carac tère de la figure humaine ; de fixer d’une façon parfaite cette vision personnelle, traduite et réalisée en soulignant certains traits ou en éliminant certains autres. Si c’est la lumière qui impressionne la plaque, c’est l’opérateur qui dirige le travail productif, déterminant—l’aspect sous lequel le mo dèle doit être offert aux rayons du soleil, — modifiant l’image et la ligne par la pose ou par le relief, — saisissant sur la physionomie de l’individu les phénomènes révélateurs de l’âme, — discernant les ac cessoires, — composant l’incidence de la lumière, — faisant les retou ches délicates sur le cliché et après le tirage. Ainsi donc œuvre d’ar- stiste exigeant observation, imagination et décision rapide, avant de presser la poire de l’instrument. Et même, dans ce moment instantané où l’image va se trouver fixée définitivement, qu’une erreur de pose d’une seconde ou qu’une faute de calcul de quelques centimètres se produise, l’agent métallique sera im puissant à rendre présentable l’épreuve gâtée. Une action prompte, une mise au point parfaite, un dosage combiné des acides, un bain révé lateur bien proportionné indiquent encore l’intervention intellectuelle qui fait l’artiste dans le photographe. Les résultats sont là, appelant la comparaison, même entre professionnels différents. Grâce à son talent et à son goût, le photographe-artiste saura se distinguer et s’élever au- dessus d’un praticien ignorant qui, avec un instrument de marque, n’aura que la production mécanique d’une image sèche et désagréable. Le photographe a donc fait un dessin esthétique; comme tout créa teur, il a le droit de revendiquer l’application du décret-loi de 1793. Son œuvre constitue une propriété qu’il peut reproduire ou faire repro duire par un moyen quelconque et qui, selon Taine, doit être protégée « au même titre que la planche gravée ». La jurisprudence, hésitante au début de la photographie, a oscillé