— 15 mirent à construire des instruments destinés à remplir la plaque du plus d’objets possible, et nous sommes tombés dans le piège. Il est, du reste, bien naturel que l’effet produit par un paysage qui contient plus de sujets que nous ne pouvons en embrasser d’un seul coup d’œil soit choquant. Mais, si l’objectif pouvait parler, il nous dirait « Je ne vous montre que ce que je vois. » Donc, si nous voulons reproduire la nature telle que nous la voyons, servons-nous d’objec tifs qui voient pareil à nos yeux. On dit que le cheval se fait une idée colossale de la taille de l’homme : c’est que son œil est semblable à l’objectif grand angulaire. Certains crustacés ont un œil presque sphérique porté sur une tige saillante ; nos effets de perspective comparés aux leurs seraient aussi faux que ceux du grand angulaire comparés aux nôtres, et si jamais la terre était envahie par une armée d’habitants de Mars pourvus d’une vision semblable à celle de ces crustacés, nos peintres se verraient obligés d’adopter la perspective grand angulaire pour pouvoir vendre leurs tableaux à nos conqué rants. Je n’ai pas un instant l’idée d’encourager les peintres ou les photo graphes à reproduire la nature autrement que nous la voyons et à combattre les lois de la perspective, qui sont très justement basées sur les illusions de notre propre vision, et si je me suis servi d’exem ples quelque peu extravagants, ce n’est que pour démontrer d’une façon plus frappante que la perspective photographique est absolument fidèle aux principes d’après lesquels les objectifs photographiques sont construits. Mais si nous voulons reproduire la nature telle que nous la voyons, c’est évidemment une absurdité que de nous servir d'un instrument qui ne remplit pas ce but. Mais, alors, c’est le photo graphe et non pas la photographie qu’il faut attaquer. L’objectif n’est qu’une simple machine obéissante et passive, et, si elle donne faux, c’est qu’elle a été construite pour cela. On a contesté, dans le temps, les possibilités d’art de la photo graphie en démontrant qu’elle ne pouvait pas rendre les valeurs ni tra duire les couleurs. On découvrit un remède à ces défauts, en d’autres termes, on s’aperçut que ce n’était pas le procédé qui était mauvais, mais bien la manière de s’en servir. Mais, pour corriger les défauts de perspective, il faut aussi s’en apercevoir, et ceci demande de la part de l’opérateur certaines connaissances et une éducation d’œil qui n’est malheureusement pas à la portée de tout le monde. Il s’ensuit que des multitudes d’horreurs se commettent tous les jours et attirent naturel lement davantage l’attention que les quelques exemples de photogra phie correcte qu’on peut leur opposer. Cependant, nous devons blâmer le critique d’art qui s’en tient à la première photographie