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— 8 — usufruitier et non propriétaire, a un droit exclusif de police inté rieure ; il peut expulser les gens qui troubleraient les exercices reli gieux et même ceux qui, en dehors des offices, auraient une attitude inconvenante ou se livreraient à des manifestations incompatibles avec la dignité du lieu. Mais le photographe inoffensif et silencieux peut-il être l’objet de mesures préventives de rigueur ? Je n’hésite pas à répondre : non. A mon avis, le terrible curé breton commettait un abus de pouvoir en jetant l’anathème sur de braves et honnêtes artistes qui eussent voulu prendre quelques croquis de vénérables chapiteaux du xi e siècle. Je ne pense pas qu’on puisse sérieusement défendre à quelqu’un d’entrer dans une église, avec une photo-jumelle en bandoulière, même pendant les offices. Je me hâte de déclarer qu’il serait contraire à la bienséance de braquer un objectif et de faire un cliché au moment d’une cérémonie religieuse, bien que l’acte en lui-même ne soit pas repréhensible au point de vue canonique. Mais, en dehors des exercices du culte, aux heures où l'église est déserte, les esprits les plus étroits et les plus rigoristes ne sauraient voir une profanation dans le fait de poser une chambre noire sur un pied en quelque coin isolé d’une nef ou d’un transept. Le dessinateur qui s’assoit sur une chaise, pour copier sur son carnet un détail de sculpture, ne commet aucun crime. L’ordre n’étant pas troublé, aucune atteinte n’étant portée au culte, puisqu’il n’y a pas d’office, aucune gène ne venant entraver la liberté des fidèles puisque généralement il n’y a personne, il n’y a donc rien qui justifie une mesure prohibitive quelconque. Dans ces conditions spéciales, un curé n’a pas le droit de renvoyer un photographe, par cette raison toute simple qu’il n’y a point de délit. Toute la question est là. En vertu de ses pouvoirs de police incontestables, le curé expulse un homme qui cause un scandale au moment d’une céré monie ou qui, à une autre heure, dégrade par exemple le mobilier de l’édifice ; c'est un acte d’autorité qui s’impose parce qu’il y a un délit qualifié tel par la loi. La photographie est une opération essentiel lement silencieuse. La mise d’une chambre noire sur un pied ne cons titue pas une opération photographique. Tant que le bouchon reste sur l’objectif, l’appareil est assimilable à un objet quelconque, à un parapluie, à une canne, qu’on appuierait contre un pilier. Dès que le bouchon est enlevé, le mystère commence, mais celui qui préside à ce mystère, assis tranquillement, l’œil fixé sur sa montre, cet observa teur attentif et paisible devient-il alors un malfaiteur sacrilège? Les criminalistes les plus féroces ne sauraient trouver là l’ombre d’un délit.