- 189 - tiens à dire quelques mots au sujet de ces articles, parce que M. Dallet-Fuguet traite d’une façon très intéressante les mêmes points que M. Burchett, dont je viens de parler. Sous ce titre, « la Vérité dans l’Art », M. Fuguet semble vouloir combattre les idées que j’ai eu l’occasion d’exprimer dans un article récent sur la légitimité de l’interprétation de la Nature, bien qu’en fin de compte ses conclu sions soient pareilles aux miennes. Je parlerai des points en litige quand le moment sera venu. Mais voici un extrait intéressant : « La nature nous donne de nombreuses suggestions, de nombreux points de départ, mais elle se compose rarement bien dans le sens du tableau. » L’idée d’un tableau n’est pas une idée littéraire à proprement parler. Nous pourrions plutôt la qualifier de motif, par comparaison au motif en musique. Appelons cette idée un sentiment, une impul sion, mais gardons-nous de la tendance anglo-saxonne à y voir une idée intellectuelle plutôt que passionnelle. L’Art et la Nature sont deux, car l’Art est une langue de convention composée de symboles empruntés à la Nature. Quelquefois nous nous éloignons trop de la nature et nous nous rapprochons trop de la convention, et nous fai sons de l’art purement conventionnel, par conséquent maladif. Alors il nous faut nous retremper dans la nature pour y chercher l’étincelle vitale. » Il ne faut pas apprécier la vérité d’une œuvre d’art uniquement en la comparant à la nature. Il vaudrait mieux se dire : « Voici un » tableau qui n’est pas la nature même, mais bien une illusion due » à la main humaine et inspirée par la nature; eh bien, en tant » qu’effet — exagéré ou faux tant que l’on voudra — ce tableau me » donne-t-il une impression telle qu’aucune autre façon de l’interpréter » ne me la donnerait pareille? » Il n’est pas question de vérité pure, car l’art n’est que ['expression matérialisée d’une idée. Si un tableau nous semble beau et grand il est artistiquement vrai, car il ne peut être beau s’il n’exprime en même temps la vérité esthétique d’une idée élevée. » Donc la vérité dans l’art n’est pas une vérité de copie, c’est la vérité de l’idée bien exprimée. Une scène qui n’a jamais existé autre part que dans l’imagination de l’auteur peut être rendue d’une façon véridique au point de vue artistique. Ce sont les idées fausses que l’on se fait au sujet de la vérité dans l’art, c’est l’importance exagérée que l’on attribue à la fidélité de copie de la nature qui constituent le plus sérieux obstacle au développement de la photographie pictoriale. La platinotypie en deux couleurs et le développement