magnifiques falaises crayeuses inspirerent les peintures de Caspar David Friedrich. Cultivant un minutieux detachement, il choisit la nature et se tint loin du tumulte du premier festival de Bayreuth, oü toute l’elite musicale s’agitait au meme moment autour de Wagner. Brahms ne fut certainement pas insensible ä l’evenement: il admirait sincerement Wagner et d’aucuns pretendent que s’il decida d’achever cette Symphonie — dont les premieres esquisses remontent ä 1855 — precisement cette annee-lä, ce fut bien parce que Wagner venait de mettre la touche finale ä sa Tetralogie, apres y avoir travaille lui-meme pendant plus de vingt ans. Neanmoins, loin des exces de sa generation et de la suivante — celle de Mahler et de Richard Strauss —, Brahms cultivait une grande humilite et dans une demarche probablement spirituelle, il etait trop conscient de la petitesse de l’homme pour ceder aux elans megalomanes d’un Wagner. Les symphonies de Brahms illustrent cet equilibre entre une ecriture dramatique, poignante, d’une grande plenitude, et cet art de la simplicite et ce, des la Premiere Symphonie. Il est evident que le melomane est immediatement saisi par les puissantes aretes dramatiques, le Souffle incomparable du premier mouvement comme par la culmination triomphale du finale. L’impact du premier mouvement, en particulier de son introduction avec ces timbales pesante, place d’emblee cette oeuvre tragique dans une filiation beethovenienne. Dans le meme esprit, incomparable est l’evocation des grands espaces de la nature dans le solo de cor du finale. Pourtant, le coeur de la Symphonie frappe par sa simplicite, comme le theme de clarinette du troisieme mouvement, voire, par son depouillement, ä l’image du superbe theme de hautbois dans le mouvement lent. La difference est encore plus nette dans la Troisieme Symphonie, achevee en 1883, annee de la mort de Wagner. Qualifiee d’« Eroica » ä sa creation, par analogie avec Beethoven, en raison d’effets parfois massifs et de son rang dans la production brahmsienne, l’oeuvre touche bien autant par la melancolie du celebrissime Poco allegretto ou encore une fois par la simplicite et la beaute de l’Andante precedent. Benjamin Grenard