111 VOYAGE AUX SOURCES veuille avoir un vêtement propre pour les jours de fête, au cune femme qui ne désire porter une robe d’indienne, un collier, des pendants d’oreilles, un mouchoir de mousse line , une capote de laine, un chapeau de feutre, et la vente de ces objets, qui sont ici à des prix exorbitants, suffit pour tirer du pays le peu d’or et de numéraire qui y circule encore. Déjà il n’y a plus à Santa Luzia qu’un très-petit nombre de boutiques mal garnies; tout s’achète à crédit. Les journaliers ont la plus grande peine à se faire payer, quoique leur salaire ne soit que de 600 reis (5 f. 75 c.) par semaine; et des nègres créoles me disaient qu’ils aimaient mieux recueillir dans le ruisseau de Santa Luzia un seul vintem d’or (0 f. 25 1/2) par jour que de se louer pour 4mn- tens (94 cent.) chez les cultivateurs, qui s’acquittent en denrées dont il est impossible de se défaire. Certains colons sont tombés dans une si grande indigence, qu’ils restent des mois entiers sans pouvoir saler leurs aliments, et, quand le curé fait sa tournée pour la confession pascale, il arrive souvent que toutes les femmes d’une même famille se pré sentent l’une après l’autre vêtues du même habillement. La paresse a beaucoup contribué à faire tomber dans la misère les cultivateurs de cette contrée; mais la misère qui les abrutit et les décourage doit nécessairement, à son tour, augmenter leur apathie : celle-ci est arrivée, chez plusieurs d’entre eux, à un tel degré, que, pouvant disposer à peu près de toute la terre qui leur convient, ils n’en cultivent pas même assez pour leurs besoins. J’ai tracé la peinture fidèle des maux de ce pays; dans le chapitre précédent, j’ai indiqué les remèdes qui m’ont paru les moins ineffi caces : puisse ma faible voix être entendue et l’administra tion s’occuper enfin, avec quelque bienveillance, d’un