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figure était plus ronde que celle de ces derniers, et leurs yeux plus grands; leur teint était basané, sans offrir cette nuance de jaune qui se fait remarquer chez les mulâtres. Je leur adressai la parole; ils me répondirent avec un accent traînant et nasillard, me débitant des phrases d’une poli tesse servile, qui ne sont point en usage chez les Portugais : c’étaient des bohémiens. Quoique le gouvernement ait rendu des ordonnances contre les hommes de cette caste (1), il y en a encore beaucoup qui errent par troupes dans l’in térieur du Brésil, volant, par où ils passent, des cochons et des poules; cherchant à faire des échanges, principale ment de chevaux et de mulets, et trompant ceux qui traitent avec eux. Quand il leur naît un enfant, ils invitent un cul tivateur aisé à être parrain et ne manquent pas de tirer de lui quelque argent; ils vont ensuite, plus loin, faire la même invitation à un autre colon, et répètent le baptême autant de fois qu’ils trouvent des parrains généreux. Quel ques-uns, cependant, ont formé des établissements dura bles et cultivent la terre. Il en était ainsi de ceux que je ren contrai dans le Mato Grosso; il y avait déjà plusieurs années qu’ils s’étaient fixés dans ce canton; le commandant de Meiaponte, de qui ils dépendaient, m’assura, plus tard, (1) « Par une bizarrerie inconcevable, dit M. de Freycinet, le gou vernement portugais tolère cette peste publique (Voyage, Uranie, his torique, 1, 197). » L’administration française ne repousse pas non plus les bohémiens; car, depuis bien des années, il en existe, à Montpellier, un certain nombre, et il est difficile de deviner ce qu’il y a de bizarre dans cette tolérance. On doit faire des efforts pour incorporer ces hom mes dans la société chrétienne et les punir quand ils violent les lois; mais, puisqu’ils existent, il faut bien qu’ils soient quelque part, et pourquoi ne les souffrirait-on pas comme on souffre les Juifs?