DU RIO DE S. FRANCISCO. 129 clameurs venaient de se faire entendre. C’était le bon La- ruotte qui les avait poussées. Qu’avez-vous, mon ami? m’é criai-je. Ah! monsieur, me répondit-il, je rêvais que l’once me mangeait. Pendant la journée, nos mulets avaient sou vent donné tous les signes de la terreur, et mes gens avaient fini par voir sur le sable les traces d’un jaguar. Il n’avait été question que du jaguar dans ma petite caravane, et l’imagination effrayée du pauvre Laruotte lui avait montré, pendant son sommeil, ce féroce animal occupé à déchirer ses membres. La journée suivante fut peut-être la plus ennuyeuse de tout mon voyage. Nous traversâmes d’abord des bois où nous avions de l’ombre et de la fraîcheur; mais, ensuite, nous entrâmes dans des campos où la chaleur était insup portable. Quelquefois le chemin est montueux, plus sou vent il est égal ; presque toujours il suit une vallée fort large ou, pour mieux dire, une plaine allongée, bordée de montagnes couvertes de bois. Celles de la droite sont les plus élevées; en quelques endroits, elles s’élancent presque à pic ; là, par conséquent, elles doivent être fort sèches : aussi les arbres qui y croissent étaient-ils, lors de mon voyage, presque entièrement dépouillés de leurs feuilles. Le sommet de ces montagnes est, en général, assez égal; néanmoins, en deux endroits différents, elles sont couron nées par des éminences qui ressemblent à un château fort accompagné de ses tourelles et ajoutent à l’austérité du paysage : c’est peut-être à l’une de ces montagnes que les premiers aventuriers coureurs de déserts (sertanistas) don nèrent le nom de Tour de Babel (Torre de Babel) (1). Dans (1) « Sous le gouvernement d’Antonio Furtado de Mendonça, en 1770 II. 9