Volltext Seite (XML)
Les grandes compagnies industrielles ressentent du reste aussi la nécessité de ces études; en France nous en voyons plusieurs se faire inscrire comme membre de la Société géologique. Plusieurs compagnies de chemins de fer publient depuis fort longtemps des profils géologiques des nouvelles lignes construites L Ces publications ne sont pas répandues dans le public, elles ne sont pas mises en vente; l’édition reste presque entièrement aux bureaux des Compagnies. Pour faire ces études, les compagnies employaient ceux de leurs employés, ingénieurs ou con ducteurs qui étaient connus comme géologues amateurs; c’était en somme un supplément de travail dont on les chargeait, tandis qu’elles commencent à avoir un ingénieur uniquement chargé de la géo logie des travaux de la compagnie. 11 est actuellement incontesté qu’un simple tracé de chemin de fer à ciel ouvert doit être étu dié géologiquement, et modifié suivant les indications de la science, si l’on ne veut pas s’exposer à des réparations annuelles infiniment plus onéreuses que le surcrois de frais qu'auraient occasionné les changements apportés au tracé en apparence le plus économique. Tout le monde connaît les glissements des remblais et des talus!... et pourtant il a fallu une longue suite d’expériences fâcheuses avant que les grandes compagnies se décidassent à profiter des conseils de la géologie pour protéger leurs finances 1 2 . Elles y ont été amenées par un cas relativement assez rare, mais aussi beaucoup plus compliqué, la construction des tunnels. —Il y a certes fort longtemps que l’on s’est aperçu que les roches rencontrées dans le perce ment d'un souterrain sont souvent, je dirai même généralement, fort différentes de celles que l'on observe à ses deux extrémités ou à la surface du sol, et pourtant en 1856, Desor, parlant des tun nels alors en construction dans le Jura, s’exprimait en ces termes: «ceux qui n’ont pas craint de se compromettre en demandant l’opinion de la science, n’ont eu qu’à s’en applaudir». Lorsque Desor écrivait ces lignes, la technique venait de faire une triste expérience au tun nel du Hauenstein. Le géologue Gressly, prévoyant de grandes difficultés dans l’exécution du tracé choisi, en pro posait un autre, un peu plus long, mais traversant des terrains plus solides et permettant de ne pas déranger le régime des cours d’eaux. Malgré ses prévisions, on maintint le tracé le plus court, 2 496 mètres, ce qui eut pour conséquence des dépenses beaucoup plus élevées que l'on ne l’avait admis, un procès long et très coûteux au sujet de sources détournées de leurs cours, et bien plus encore, la mort de 64 ouvriers 3 ensevelis par l’effondrement d'un puits foncé dans de mauvais terrains. Cet évènement désastreux eut pour conséquence de rendre les ingénieurs plus attentifs aux conditions géologiques lorsqu’il fut question du percement des deux grands tunnels des Loges et du Mont-Sagne, dont la longueur totale devait atteindre 4 588 mètres, soit près du double de celle du Hauenstein. Cette fois on tint compte des indications de Gressly, et le percement montra qu’il avait parfaitement prévu les excellentes conditions dans lesquelles devaient se faire les travaux. A la même époque, la chaîne du Jura était traversée par un 3 e tunnel, celui du Credo, sur territoire français (3 49O m ), entre Genève et Lyon. Ici les ingénieurs avaient prévu de très mauvaises conditions dans la nature des terrains: le marché fut conclu sur ces bases, au grand bénéfice de l’en trepreneur, et au détriment de la compagnie. Après ces diverses expériences, la géologie eut gain de cause en Suisse, et il n'est guère d'en- 1 Voyez entre autres les profils de MM. Toreapel et Chavanne, publiés par la G ie du Paris-Lyon-Méditerranée. 2 Dans la plupart des contrées accidentées, il est arrivé que des tranchées ont dû être abandonnées et reportées à une certaine distance, ou même remplacées par un tunnel, dans des circonstances qui auraient certainement été prévues par un géologue. Un exemple de ce genre peut se voir aux portes de Lisbonne. On affirme qu’une étude géologique consciencieuse aurait fait prévoir les glissements qui occasionnent de si gran des difficultés aux percements des ithsmes de Panama et de Corinthe. 3 53 furent ensevelis vivants et 11 furent victimes de leurs tentatives de sauvetage.