80 ARCHITECTURE CIVILE ET DOMESTIQUE. soigneusement les grands frais pour les petites fortunes par le choix des maté riaux communs, tels que moellons et blocages avec crépis; mais il savait encla ver dans ces grosses maçonneries des parties en pierres qui ne manquaient ni d’élégance ni de délicatesse : comme nous le voyons dans les façades des mai sons de Cluny. Là nous apercevons encore par quel moyen il parvenait à dimi nuer les charges onéreuses qui auraient pu peser sur ceux dont les projets avaient en vue plus encore leur postérité qu’eux-mêmes. Leur procédé habituel pour arriver à ce but consistait à diminuer beaucoup l’épaisseur des murs, en adaptant à l’intérieur un système d’arcades surbaissées ou eri plein cintre, hautes, larges, profondes et séparées seulement par détroits piliers, nous pour rions presque dire par de minces meneaux. Nous avons à Paris une large et belle imitation de ce mode si simple de consolidation dans le grand monument de la bibliothèque de Sainte-Geneviève. Cette série de contre-forts élevés en dedans et reliés entre eux, comme par des arches d’appui, laisse libres des espaces dont il est toujours aisé de faire un utile emploi. C’était, delà sorte, retranchera la quan tité de matière employée sans nuire, ou plutôt en ajoutant à la solidité; c’était par là même atteindre un haut degré de perfection, puisque de ces évidements si habilement ménagés dépendait un profit incontestable, avantage goûté dans tous les temps. Ces grandes arcades, mode déjà bien ancien d’allégement et de consolidation en même temps, étaient loin de produire à l’intérieur une impression désagréable à la vue. Leur effet avait quelque chose de grand qui ajoutait singulièrement à l’étendue des pièces et à l’espace destiné surtout aux sièges delà famille : car des bancs de pierre étaient toujours ménagés latéralement sur leurs parois, afin de rendre les entretiens plus faciles et le travail plus agréable. Chacune des hautes et larges arches de soutènement en dedans embrassait à la fois deux des arcs, ou des baies à linteau droit de ce qui formait à l’extérieur ce que nous avons appelé la claire-voie. Chacune comprenait de plus encore à sa partie supérieure l’oculus surajouté dans l’axe de la colonnette ou meneau. Ces oculus étaient de simples trous de forme variée, destinés sans doute à éviter l’obscurité com plète quand les contrevents étaient fermés. Pour notre climat où presque jamais le soleil n’est trop ardent, cette série d’ouvertures, rapprochées comme pour éclairer et aérer mieux une galerie, con venait à merveille dans ces petites villes, plus restreintes par les limites mêmes de leurs fortifications, enceintes resserrées où le développement se refusait aux besoins de l’hygiène publique et privée ainsi qu’aux prétentions envahissantes de la fortune. Nos architectes français ont longtemps conservé cette gracieuse disposition de galeries à jour vers la rue. Le château de Moret, miraculeusement transporté des bords de la forêt de Fontainebleau à Paris, vers l’extrémité méri dionale des Champs-Elysées, Anet, Gaillon et tant d’autres royales fantaisies ont