72 ARCHITECTURE CIVILE ET DOMESTIQUE. ces vastes murailles, revêtues de bons fossés, défendues par quinze tours dis posées à intervalles inégaux et percées de huit portes principales. C’est ainsi qu’à Cluny la fin du xn e siècle préludait dignement aux graves événements de l’ère suivante. Si maintenant nous nous transportons dans la ville telle que ces temps agités ont permis de l’édifier pour l’avenir ; si nous parcourons ses places, ses rues, ses édifices de tous genres, en nous les représentant dans l’état où ils ont été élevés de la main même de leurs fondateurs, il ne sera pas impossible de constater que son origine première remonte à une époque encore bien plus reculée. Diverses parties datent peut-être de Charlemagne ou de son successeur immédiat, ainsi que tendent à l’établir les vieilles annales qui renferment les éléments de son histoire. C’est pourquoi nous ne serons point surpris de voir l’arcade romane se montrer presque partout avec la grâce et la noble simplicité de ses ornements. Assez souvent encore on rencontre la plate-bande de même création, soutenue dans sa longueur par de courtes colonnettes et des pilastres carrés, ou bien quelquefois l’ogive largement ouverte et à peine cintrée qui n’a point commencé à se transformer en élégant tiers-point. Vingt-cinq ou trente maisons de cette période nous sont parvenues à travers mille dangers de destruction. Chacune des plus importantes et des plus remarquables est indiquée par un chiffre répété , au point qu’elle occupe dans le plan général. Il n’en est pas une de celles-là qui ne porte un cachet spécial. Partout elles se font distinguer par des traits bien tranchés de toutes les autres constructions qui les avoisinent. Nous avons dû accorder la préférence à quelques-unes d’entre elles, soit poul ies décrire, soit pour les dessiner; et celle 1 que nous choisissons d’abord pour notre part de description est assurément l’un des plus précieux spécimens que nous puissions nous attacher à reproduire. Habilement rendue la première par la main du graveur, elle fera ressortir mieux qu’aucune autre les avantages et le mérite que nous voulons y faire découvrir. Placée au milieu d’un groupe de trois maisons qui ont manifestement été construites à une centaine d’années environ les unes des autres, celle du centre porte les caractères les plus mar qués que nous avons reconnus appartenir à l’époque romane. Quatre étages bien délimités, sans compter un considérable soubassement, lui donnent une élévation qui lui fait dépasser de beaucoup le sommet de ses deux voisines. Près du sol ,• une ogive abrupte, imparfaitement tracée, sert d’assez large entrée à une boutique ou magasin; puis tout à côté est la porte de l’escalier. Immédiatement au-dessus de ces ouvertures inférieures, l’on aperçoit quatre petits arcs en plein cintre, séparés les uns des autres par des colonnes courtes, à corps ou fûts richement travaillés et à chapiteaux très-ornés : seuls avec deux 4. Cette maison est désignée dans le plan général par le n" 6, répété dans la planche xx.