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PALAIS GUINIGI A LUCQUES. 133 dre et s’entendre, de longs souterrains, comme il en existait, dit-on, entre Pontoise et Maubuisson, malgré le cours de la rivière qui sépare ces lieux. Que Lucques, aux plus beaux jours de son indépendance et de sa grandeur, devait présenter un tableau saisissant de contrastes et d’harmonies, quand elle renfermait dans son enceinte fortifiée, dressés vers le ciel, tous les signes de ses vieilles influences sociales, toutes les cimes crénelées, qui exprimaient plus encore peut-être les privilèges de la richesse ennoblie que la possession du pouvoir poli tique. Combien d’humbles toits devaient s’abriter sous la protection des manoirs des nobles, dont le nombre même diminuait les chances de tyranuie pour la société. Et de ce rapprochement des demeures du peuple et des grands, quel bel effet d’opposition devait naturellement s’offrir aux regards attentifs de l’artiste, comme aux méditations du philosophe. Le type qui nous reste ici tracé en pierre et en briques, d’un titre de suzeraineté, nous a semblé trop précieux pour ne pas le décrire avec une certaine complaisance. Intact de haut en bas, il a reçu du temps et de la nature un genre de beauté incomparable. Sur les dalles de sa plate-forme, aux dépens d’une légère couche de détritus, un plant de lau riers a grandi sans rien détruire à ses pieds : ce bouquet de verdure, uni au bleu du ciel, porté si loin du sol avec d’autres plantes encore, produit un aspect que l’œil le plus indifférent ne saurait dédaigner. C’est de ce point culminant qu'il nous a été donné d’embrasser d’un seul regard presque toutes les frontières d’un Etat entier, aussi bien que les murs de sa capitale. Dans le lointain, les monts Pisans pour limites, d’autres montagnes plus rapprochées, des forêts d’oliviers, des plaines inclinées vers la mer, voilà toute l’étendue du domaine de Luc ques. La pensée qui nous vint que sa dernière souveraine était la sœur de l’hé ritier de nos rois, nous est toujours présente; elle nous reportait à ce beau nom d’Enfants de France, titre cher aux souvenirs et au patriotisme de notre jeunesse. Une souveraineté si grande par les arts, si belle et si douce par tous les genres de félicité, était digne d’une princesse de notre maison de Bourbon. En se sépa rant d’elle, nous le savons, ses sujets ont senti la perte qu’ils ont faite du mo dèle de toutes les vertus royales et de toutes les grâces françaises. La Torre dei Guinigi n’a point été élevée par la famille de ce nom : elle est devenue sa propriété par des acquisitions successives, ainsi qu’il résulte de nos renseignements et de l’examen de l’ensemble des bâtiments. Une autre remarque vient encore confirmer cette opinion. Une maison de grande dimension a été con struite sur l’autre côté de la rue Saint-Simon, au xui e siècle, par les mêmes sei gneurs; son style ne diffère en rien de celui du palais que nous décrivons : bien plus, le même écusson à croix sur fond de gueules se retrouve incrusté dans l’un de ses trumeaux ; niais là il n’y a ni tour, ni crochets en fer, ni traces qui indiquent la présence de ces sortes d’objets à une autre époque. Cependant l’origine et la propriété sont certaines. Serait-ce donc que les ancêtres des Gui-