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GRENIER D’ABONDANCE. 101 Un fait rare, unique peut-être en son genre, se présente encore à noter ici : c’est qu’un bâtiment, entièrement semblable à la grange, existait vis-à-vis d’elle, sur une ligne parallèle à sa façade orientale, et servait de lieu d’habita tion; des contemporains l’ont encore vu debout; ils se souviennent à merveille de la parfaite ressemblance que nous indiquons. Leurs rapports, empreints de cette bonne foi qu'inspirent de légitimes regrets, ne peuvent nous laisser de doute sur l’usage de l’édifice que nous avons décrit. Nulle part il ne porte de traces de cheminée 1 , ni de divisions en pièces appropriées aux habitudes de la vie monacale. Une conduite de fumée se montre, il est vrai, sur l’un des pignons, mais au dehors ; les arrachements qui en persistent prouvent que c’est une réparation récente. Ainsi se trouve confirmée l’opinion de ceux qui préten dent que la grange de Yauclair était un grenier d’abondance où se conservaient, suivant leur nature, tous les produits du sol cultivé par les religieux. C’était une autre grange aux dîmes, comme celle de Provins, que nous nous proposons de faire connaître plus tard. La séparation en deux étages semble montrer d’elle-méme que l’inférieur était plutôt une cave ou cellier, le supérieur et le grenier étant particulièrement réservés à la conservation des céréales. Cette partie intégrante de l’abbaye de Vauclair, qui a vu tout se précipiter et s’abîmer autour d’elle , était destinée à voir d’autres ruines que la sienne à ses pieds. Près d’elle, en effet, à Craonne, eut lieu ce désastre national qui ouvrit la patrie aux légions étrangères, et contribua à renverser l’empire. Les soldats ennemis ne furent point aussi destructeurs que nous le fûmes nous-mêmes de nos propres monuments. La leçon nous vint d’eux, et leur exemple nous enseigna malgré nous en bien des contrées à respecter beaucoup d’édifices que la révolution n’avait encore pu renverser. La France eut la douleur d’ap prendre des Barbares (pour les vaincus, c’est le nom de tous les vainqueurs) à rougir de ses folies de destruction. Hélas! disons-le à notre honte méritée: les Vandales, à notre invasion révolutionnaire, ne vinrent pas de loin; ils furent cette fois nos concitoyens et nos contemporains. L'àme française et chré tienne est doublement navrée de ce fatal et trop juste jugement. 1. Le bâtiment parallèle à la grange et qui a été détruit de fond en comble avait de très-belles cheminées, suivant ce qui nous a été dit. Nul doute qu’elles n’eussent beaucoup de ressemblance avec celle du chapitre du Puy-en-Velay, que nous donnons intégralement aujourd’hui, et qui nous a déjà été si utile pour la restauration des maisons de Cluny.