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92 ARCHITECTURE CIVILE ET DOMESTIQUE. « des artisans, le salon des spectacles : tout est réuni, confondu dans les « immenses bâtiments de l’abbaye. Ce qui n’est pas destiné aux usages publics « enrichit de plus d’un bail utile la caisse municipale. Il n’est pas jusqu’au « moulin où se moud le blé de la ville qui ne se trouve aussi dans ce lieu; et « quand il pleut, cette bonne et hospitalière population, qui s’est divisé à l’infini « l’héritage des moines, va se promener encore et se réfugier sous de vastes « cloîtres, où s’étalent périodiquement tantôt les petites boutiques si fréquen te tées des jeunes fdles, tantôt les provisions moins frivoles d’une halle aux « blés; tandis que l’espace renfermé entre les quatre faces du cloître, autrefois « rempli de fleurs et d’eaux rafraîchissantes, sert encore, sous son ancien nom « de jet d’eau, de place publique, de marché, prêt à se couvrir, à de rares inter et valles, des préparatifs d’un mesquin feu d’artifice, d’une ménagerie ambu- « lante, d’un théâtre de polichinelle, ou de la maison de bois d’un entrepreneur « de chambre obscure ou de fantasmagorie. » Tant de richesses anéanties, tant de splendeurs évanouies, ne peuvent plus nous laisser que de profonds regrets. A ceux qui, comme nous, n’en ont pu voir les derniers restes, ne nous serait-il pas possible de donner quelque idée de l’étendue de nos pertes, en rappelant àleur souvenir une page détachée, magnum Jovis incrementum, une portion dérivée de cet ensemble monumental qui vient de passer sous leurs yeux : nous voulons parler de ce bel hôtel de Cluny, que l’Europe peut enviera Paris à plus d’un titre aujourd’hui. Cet édifice découle de notre abbaye-mère de l’ordre de Saint-Benoît, et des fécondes inspirations d’un de ces princes de l’Église qui l’ont gouvernée avec une gloire bien méritée. Nous le devons à un cardinal d’Amboise, l’un des prélats de cette illustre maison qui se sont, en leur temps, montrés si nobles et si généreux patrons de toutes les grandes oeuvres en France. La pourpe romaine, les hautes dignités de l’État, l’éclat de leur naissance ne leur firent qu’étendre davantage ce puissant patro nage, qui n’eut pas même leur vie pour limite, témoin les magnificences de leurs chapelles sépulcrales. Du fond de leurs tombeaux, ces illustres morts inspi raient encore les beaux-arts. Leurs successeurs, n’en doutons point, en deçà comme au delà du seuil éternel, les inspireraient à leur exemple, si l’esprit qui vivifie se ranimait en nous. Les grands cœurs et le génie ne cessent jamais de revivre, quand les peuples se rendent dignes de les recevoir de la main de Dieu.