MAISONS A CLUNY. 89 avoir faite à vol d’oiseau, nous ne passerons point sous silence une de ces anciennes et des plus curieuses maisons de Cluny 1 . Ce qui surtout la faisait autrefois remarquer, c’était la très-grande saillie de son toit. Cette partie avan cée de la charpente était supportée par des pièces de bois qui venaient elles- mêmes s’appuyer sur des consoles comprises dans un fort bandeau de pierre, à la base du premier étage. Rien n’était plus original assurément que cette toiture ainsi prolongée sur l’espace libre de la rue, pour mettre à l’abri du soleil et de la pluie suivant le besoin. Cet arrangement, singulier en apparence, a peu à peu disparu chez nous; mais nous l’avons vu, avec quelques modifications, presque entièrement conservé à Pistoia et en plusieurs autres lieux de l’Italie. Trans formé en auvent longuement étendu à mi-hauteur des habitations, il a dans ces endroits son incontestable but d’utilité: car dans les ouragans si fréquents par tout au temps des équinoxes, il peut de plus préserver des tuiles détachées et brisées que l’on voit voler au-dessus des couvertures et des rues comme des feuilles d’arbre emportées parle vent; arrachés de leur place dans la tempête, ces tessons jonchant ainsi le sol, pourraient bien dire, S'ils parlaient, comme les hommes tombés moralement qui les voient en tremblant : « Et cecidimus, quasi folium, universi. » Un autre avantage de cette grande couverture surplombant tout le corps de logis, était d’abriter des bancs décorés de têtes fantastiques, placés à l’extérieur pour la commodité du public. Cette importante demeure, qui avait par ce moyen ses fondations mieux préservées de l’humidité, annonçait en outre dans cet appen dice une sorte d’hospitalité que ses maîtres entendaient donner à tout venant et passant, sans laisser franchir leur seuil aux importuns. De semblables sièges por taient d’ordinaire de beaux ornements, et ceux qui étaient restés là si longtemps avaientassez frappé les vieillards qui les ontencore vus, pour qu’ils aientpu nous en faire une description pleine d’intérêt; notre instinct nous avertissait que le leur ne les trahissait pas dans l’expression de leur admiration et de leurs regrets. La bienveillance des anciens jours s’efface de plus en plus avec les usages qu’elle amenait avec elle; les quelques traces que nous en retrouvons encore à la porte de nos riches hôtels ne tarderont pas à disparaître. Un autre mode de services prendra leur place. Nos trottoirs chercheront à les suppléer sans doute; mais ils n’auront jamais cet air d’utilité simple que nos ancêtres comprenaient avant tout, et qu’ils savaient pour ainsi dire exprimer avec une patriarcale bonhomie dans tout ce qu’ils faisaient. Ces petits monuments de notre âge primitif, points de repos pour les prome neurs fatigués, chaises curules du pauvre attendant le secours qu’il n’implorait point en vain, doivent céder chaque jour aux mesquines exigences de nos 1. Elle est indiquée sous le n“ 58 dans le plan général. 12