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DE LA SUISSE. 3JI de chofe à leurs yeux , mais encore par un préjugé auffi heureux dans fon effet, qu’il eft abfurde dans fon prin cipe , ils regardent un crèùn (5y) ou imbécile dans une famille comme un préfent de la providence, l’envifageant tantôt comme un être prédeftiné , préfervé du péché ÔC des peines, tantôt comme une victime refpeétable, dévouée pour les autres individus de la famille. On voit combien il eft difficile que les lumières pénètrent chez un tel Blanc, en parlant des plus fameux gouêtreux du val d'AoJl, voifin du val- lais , obferve qu'on en trouve qui ont plufieurs gouêtres qui, dès la naif- fance du col, pendent les uns fous les autres. Les femmes font moins affreu- fes que les hommes; ceux-ci ont un regard fi farouche, que l’on en eft effrayé ; leur langage refiemble à un croaflement, 8c il en eft plufieurs qui ne peuvent point parler. Cette maladie ne les empêche cependant pas de procréer 8c de mettre au monde des enfans à qui il ne vient pas de gouê tres ; les gouêtreux eux-mêmes ne déviennent tels qu’à l’âge de cinq à fix ans. M. Bourrit, après avoir rapporté qu’on attribue cette maladie aux mauvaifes eaux que les enfans boivent, ajoute qu’il y a encore d’autres caufes de ce mal. Et d’abord les enfans font trop adonne's à leur goût pour toutes fortes de fruits, fur-tout pour les châtaignes qu’ils mangent crues fous les arbres; enfuite les vins dé ces diftriéls font fi épais, 8c les hommes en boivent tant, que la plupart perdent l’ufage de la parole, fans perdre la raifon : l’on en a vu qui, au fortir d’un repas de noces, ont eu leur langue fi épailfe, fi embarraffée , que le mal a été fans remede. C’eft fouvent au fortir de ces banquets, & dans l’ivreffe qui en eft la fuite, qu’ils fe livrent à celle de l’amour conjugal. M. Bourrit dit tenir cette rela* tion d’un Eccléfiaftique du pays, aufli inftruit qu’il eft refpe&able. (6j) Un Valaifan, Obfervateur éclairé, m’a dit que les crétins ou les imbecilles de fon pays doivent, en majeure partie, leur nature dégradées l’abrutiffement bacchique dans lequel les auteurs de leurs jours les ont pro créés. Le petit peuple ne garde aucune tempérance dans la boiffon , le vin y eft à un vil prix ; 8c comme il eft à la fois lourd 8c violent , fans avoir l’efprit bienfaifant du Bourgogne, il furprend le buveur 8c Je rend furieux dans fon délire amoureux, De ces conjonétions préparées par laftupidité.