DE LA S U 1 S S E. décele à la fois une grande imagination & beaucoup de moyens. Si cet homme, bien conduit, eût cultivé les fcien- ces, il étoit né pour les éclairer; mais on regrette qu’il n’ait coufulté qu’une imagination impérieufe qui le con- duifoit au hal'ard. On ne peut difconvenir cependant que les écarts, les malheurs & les vices de ce grand homme, n’aient été de tjuelqu’avantage : dans les fciences il faut des erreurs, la vérité ne devient que plus belle par leur oppofition, & ces erreurs dans les fciences font comme des poteaux qui avertilfent le voyageur du danger, & lui défignent d’au tres routes à fuivre. Lorfque les fciences Janguiffent dans l’inaflion, les hommes timides refpefcient jufqu’aux préjugés des grands hommes qui les ont précédés ; ils n’ofent prendre un elfor allez élevé pour envifager eux-mêmes la fcience. Si pour lors il paroîc un homme qui, par la force de fon imagi nation, retire de fa ftupidité tout un peuple engourdi, lui apprenne à douter, détruife fes préjugés, bouleverfe fes opinions, & l’arrache à cet état d’efclavage, d’inertie, ou plutôt d’anéantiflement où fes idées l’avoient plongé, combien cet homme ne mérite-t-il pas de fon liecle & de la poftérité? Voilà ce qu’a fait Paracelfe: il a donné à la Chymie une impulfion qui s’eft propagée jufqu’à nous. C’eft fous ce point de vue que fes écarts nous ont été utiles ; & l’on pourroit comparer les hommes de cette trempe à ces feux fouterreins , qui s’élancent avec explofion du fein de la terre, & vomilfent à l’œil du Naturalifte des matières inconnues qui raniment fon atten tion.