DE LA SUISSE. y plufieurs fiècles, ont à la fin produit des génies fupérieurs. La Grèce ancienne étoit plongée dans l’ignorance , dans le temps que l’Egypte fleurifloit ; les Arts 6c les Sciences ont enfuite paffé dans la Grèce, & l’Egypte a perdu fon éclat primitif. Lorfque la Grèce fe flattoit d’avoir toute la fageffe en partage , elle regardoit le refte de l’univers comme enfeveli dans d’épaiffes ténèbres. Un Grec ne pouvoit pas fe perfuader qu’il y eût de l’efprit ailleurs que dans fa Patrie , 6c la préemption alloit fi loin, que Cicéron , d’ailleurs aflez partifàn des Grecs, n’a pu s’empêcher de s’écrier ( j ) , Qui efl le Grec qui penfe que quelqu! un de nous ait la moindre intelligence ? Mais les Mufes en abandonnant les Grecs, n’ont-elles pas paffé en Italie ? 6c combien ce Pays ne produifit-il pas alors de Sages , de Savans 6c d’éloquens Perfonnages ? II n’en faut pas davantage pour faire fentir le ridicule de l’opi nion qui fuppofe que les avantages de l’efprit font af- fe£tés a certains climats ? plutôt qu’à d’autres. Il faut fe perfuader, au contraire, qu’il y a de Grands Hommes dans tous les Pays ; qu’un feul ne les produit pas tous, 6c, ( comme ledifoit un ancien (6) Poète), qu’on peut devenir capable des plus grandes aftions, quoique l’on ( 5) Quis efl Grœcûtum, qui, quempiam nojtrûm quicquam intelligere arbitretur? Jean-Fréderic Cramer, Jurifconfulte Allemand, 6c Re'fident du Roi de Pruffe â Amflerdam, mort à la Haye le 17 Mars 17 iy , a réfuté' avec beau coup de folidité la queftion inde'centc que le Jefuite Bouhours avoit faite ; Si un Allemand peut être un bel efprit l Le Traite' qu’il publia en latin à ce fujet, à Berlin en 1634, 8c qu’il de'dia à Benoît Carpzovius , me'rite d’être lu. ' [6) Juvenal, Satyr. X. Lib. IV. Vers 49 & 50, p. 346, Amftcrdam i$84 * în-8. fig. cum nuis variorum.