Volltext Seite (XML)
— 323 — et de leurs achats, dispersé d’abord dans les palais royaux et les monastères, le musée de Madrid, qui ne compte pas plus de cinquante ans d’existence, n’est en somme qu’un immense et incomparable cabinet d’amateur. Mais ce cabi net fut composé par des rois, tous passionnés pour la pein ture, depuis Charles-Quint jusqu’à Philippe IV, maîtres de l’Italie et des Flandres, aux belles époques de leur art ; et quelques-uns des plus grands maîtres ne se présentent nulle part ailleurs, dans le développement de leur œuvre, avec une si splendide variété. C’est d’abord Vélasquez, le génie du lieu, la grande ori ginalité du musée de Madrid. On peut dire qu’il y réside plus exclusivement encore que Michel-Ange à Rome, et Corrège à Parme. Les soixante-quatre tableaux du maître que le Prado possède comprennent les plus importants de son œuvre; il y est rassemblé et accumulé. L’objectif de M. Braun fait défiler devant nous, comme un miroir magique, ces toiles merveilleuses : las Menimas, que Lucca Giordano appelait bizarrement : « la Théologie et l’Evangile de la peinture »; las Hilanderas — les Pileuses, — d’une exécution plus étonnante et vivante encore; —les Buveurs, ce prodige de l’art réaliste ; et cet admirable tableau des Lances — la Reddition de Bréda — où la simple action d’un général victorieux consolant un ennemi vaincu s’élève au sublime d’une scène de Corneille ou de Caldéron. Tous les portraits y sont : cette incomparable galerie où l’Espagne du dix-septième siècle, seigneuriale et picaresque, pompeuse et misérable, revit avec la magie d’une évocation, n’a pas une lacune dans le recueil de M. Braun. — Phi lippe IV en tête, peint sous tous les aspects et à tous les âges, si authentique et si vrai qu’on le retrouverait dans les tableaux de Vélasquez, s’il avait disparu de l’histoire. A côté de lui, pendant inséparable, la reine Marie-Anne : physionomie plate et fade, ingrate et amère, mais marquée par le maître d’une ressemblance si frappante qu’elle donne l’illusion d’une présence réelle. On ne discute pas les per sonnages de Vélasquez, on les accepte et on les subit comme des personnages vivants et présents. Autour des portraits royaux se groupent ceux des