MAISON KRIÉGER A. DAMON ET C IIC SUCCESSEURS 74, Faubourg Saint-Antoine, 74. n phénomène étrange se manifeste depuis une douzaine d’années dans l’industrie de l’ameublement : on dirait qu’elle marche à reculons lorsqu’au contraire elle est en train d’exécuter un mouvement en avant. Au lendemain de la guerre, le public, las du mobilier en acajou qui avait fait 1 ambition et la joie de nos pères; plus las encore des productions d’une prétendue ébénisterie de luxe dépourvue de toute valeur d’art et dont tout le mérite résidait en une orgie de dorure répandue sur les meu bles à tout propos et sans propos, le public, voulant imiter les artistes, toujours amateurs des vieux meubles et des bibelots, s’engoua du style de la Renaissance et n’en voulut plus connaître d’autre. Cette révolution était d’ailleurs favorisée par deux négociants, très intelligents et très éclairés, MM. Kriéger et Damon, qui, désespérés en voyant la stagnation où se traînait l’ébénisterie fran çaise jadis si florissante, renonçant à jamais assister à la formation d’un art moderne si l’on persistait dans les errements depuis longtemps suivis, avaient résolu de galvaniser l’industrie du meuble en la ramenant aux vieilles traditions ; ils espéraient si non déterminer la naissance d’un style, du moins provoquer un réveil du goût. En ce qui le concerne M. Damon a pleinement réussi, le meuble de luxe est maintenant de la plus pure Renaissance; on ne voit plus que meubles massifs en vieux chêne, poirier ou noyer ciré. Des contemporains des Valois retrouveraient leur mobilier dans les magasins de la maison Damon, et Henri II, s’il y pouvait revenir,