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- 33' Planche XIII. IVIaintenant que votre soif est e'tanche'e, auriez - vous faim? i] vous est' faeile de l’appaiser. Je me persuade que, quoiqu’il soit jeüne, vous n’avez pas envie de porter le scrupüle jusqu’ä mourir de faim; il faüdra toutefois que vous fassiez maigre ici, et je ne vous ferai pas Compagnie, quoique tous les mets, que nous voyons, soiejit fort du goüt des Russes. Voilä du Kiseel. C’est une espece de pure'e aux poix, en forme de gateaux ronds, que l’on ne vend que les jours maigres. Le marchand (Kiseel- nih) porte sur la tete ses gateaux et ses ustensiles, qui consistent en une bou- teille pleine d’huile de lin, quelques assiettes et quelques fonrchettes de bois. La memeplanche, qui lui sert ä porter toute sa pacotille, lui sert aussi, lors- que quelqu’un a envie de ses gateaux. Alors il dresse sa table dans la rue sur des pieds qu’il porte ä sa main, met sur une assiette le nombre de gateaux qu’on lui (Jemande, les coupe en petits morceaux carre's, les arrose d’huile, donne une fourchette, et voilä son re'gal pret. La frugalite de ce repas, qui se fait sans pain, est digne des p.atriarches.• Eh bien! vous ne Voulez'pas mariger, et pre'fe'rez jeuner que de faire un tel repas! A la bonne-heure; votre re'pugnance servira toutefois ä vous prouver, combien il est utile, que les mammelons nerveux de l’organe du goüt soient diffe'ramment modifie's dans cliaque iudividu. Sans cette pre'voyance du createur,/ que de combats pour le meme mets! Et que deviendroit cette paix perpe'tuelle qu’on nous promet, et dont nous jouissons si peu ? Nous sommes si intraitables sur l’article de la faim, qui ose braver la philosophie, qu’il y auroit toufc ä craindre, pour cette paix si vante'e,, toutes les fois que le desir de prendre vipndroit solliciter nos corps ae'riens. Eslimons - nous lieu- reux, que le bon appetitavec lequel cet homme mange son Kiseel, nous soit un garant assure' que nous n’aurons point de dispute avec lui pour quelque morceau plus friand. Vous voyez en lui le cocher de quelque seigneur russe, il porte sa grande livre'e, et ses gants ä rebras dore's. Comme j’espere qu’il vous plaira, et que je n’ai rien de particulier ä vous faire remarquer en lui, je vous prie de juger, par sa tenue du goüt et du luxe de ses maitres. La me'thode de juger, par leurs domestiques, de toutes leurs qualite's, sans meme en excepter les morales, est rarement sujette ä erreur, et l’on peut assurer qu’elle l’est ä St.- Petersbourg moins que partout ailleurs.