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GL INDE L’OCCUPATION DES FEMMES; LES MARCHANDS ET ARTISANS; LE TRAVAIL ACCROUPI. MONTAGNARDS DU BASSIN DE L’IRRAOUADDI, DU NÉPAL OU NÉPAUL ET DE L’ASSAM. LE TRAVAIL ACCROUPI. « L’observation que je veux faire sur la méthode des artisans de l’O rient, » dit Chardin, « est qu’il leur faut peu d’outils pour travailler. C’est assurément une chose incroyable en nos pays, que la facilité avec laquelle ces ouvriers s’établissent et travaillent. La plupart n’ont ni boutiques, ni établis. Us vont travailler partout où on les mande. Us se mettent dans un coin de chambre, à plate terre, ou sur un méchant tapis; et en un moment, vous voyez l’établi dressé, et l’ouvrier en travail, assis sur le cul, tenant sa besogne des pieds, et travaillant des mains. Les étameurs, par exemple, à qui il faut tant de choses en Europe pour travailler, vont travailler dans les maisons sans qu’il en coûte un double davantage. Le maître, avec son petit apprenti, apporte toute sa bou tique, qui consiste en un sac de charbon, un soufflet, un peu de soude, du sel ammoniac dans une corne de bœuf, et quelques petites pièces d’étain dans sa poche. Quand il est arrivé, il dresse sa boutique par tout où vous voulez, en un coin de cour ou de jardin, ou de cuisine, sans avoir besoin de cheminée. Il fait son feu proche d’un mur, afin d’y appuyer sa vaisselle ; quand il la fait chauffer, il met son soufflet à plate terre et en couvre le canon d’un peu de terre détrempée et accommodée en voûte ; et puis il travaille comme s’il était dans la plus grande et la plus commode boutique. Les orfèvres en or et en argent, comme les autres, vont aussi travailler partout où on les mande, quoiqu’il semble que les outils qu’il leur faut soient moins aisés à remuer. Us portent une forge de terre, faite presque comme un réchaud, mais un peu plus haute. Le soufflet n’est qu’une simple peau de chevreau, avec deux petits morceaux de bois à un bout, pour former l’ouverture par où l’air entre ; et, quand ils s’en veulent servir, ils attachent un petit canon à l’autre bout, qu’ils fourrent dans la forge, et soufflent de la main gauche; ils tirent ce soufflet, plié comme un sac, hors d’un sac de cuir qui leur sert de peau à limer, dans lequel ils serrent aussi une pincette, une lingotière, une filière, une enclume, un marteau, des limes et d’autres petits outils. Le maître porte le sac, et l’apprenti la forge ; et on les voit aller en cet état partout où on les envoie quérir, et s’en revenir, le soir, avec leur boutique sous le bras. Quand l’ouvrier veut fondre, il fait ses creusets à mesure qu’il en a besoin ; et, quand il veut travailler, il attache sa peau à sa forge, et met son enclume en terre, proche de lui, et tra vaille sur ses genoux. La raison pour laquelle on fait travailler les ouvriers chez soi, c’est parce qu’on ne se fie pas à eux, et afin de voir soi-même s’ils font les choses comme on l’entend. » Ces artisans procèdent comme les orfèvres ambulants de la Kabylie, qui travail lent aussi sur commande et sous les yeux de leur client. N° 9. Menuisier. La plupart des artisans ne portent aucun vêtement de dessous et sont seulement couverts de la courtah, chemise plus ou moins longue. Le menuisier représenté joint à ce léger costume un langouti et un tur ban d’une ampleur toute musulmane. L’accroupissement est, dans l’Inde comme dans toute l’Asie, d’un usage général; il est aussi habituel chez l’Indou que chez le Japonais (voir le menuisier de la planche AZ, Japon). Pour travailler, le me nuisier indou se sert également de son pied gauche étendu en avant et faisant l’office de sergent ou valet pour maintenir un support auquel il se dispose à donner quelques coups de scie ; autour de lui, sont dispersés les outils de son métier : un ciseau à manche de bois, des tracerets, un marteau, une équerre, etc. Les menuisiers de l’Orient se servent de rabots qui jettent les copeaux par les côtés et non par le milieu comme ceux dont on fait usage en Europe. Les menuisiers indous ont le pas sur les charpentiers et les rem placent parfois, comme en Perse où l’on n’emploie que peu de charpente dans la construction des édifices. On peut citer, à propos de ces artisans indous, ce que Chardin dit de leurs confrères persans : « Les menuisiers sont très habiles et très industrieux dans la composition de toutes sortes d’ouvrages de rapport et de mosaïque, dont ils font particuliè rement des plafonds admirables. Us travaillent leurs plafonds en bas tout entiers ; et quand ils sont achevés, des machines les élèvent en haut sur le comble de l’édifice et sur les colonnes qui le doivent sup porter. » Dans le salon du pavillon persan érigé au Trocadéro en 1878 (voir la planche ED), le plafond a été construit, puis élevé au moyen des mêmes procédés décrits par le voyageur français. N° 11. Ciseleur cachemiri. Ce Cachemiri, accroupi devant son établi, cisèle l’une des faces d’un petit étui ; le oiselet, mordant sous le choc du marteau, creuse les for mes qui ont été préalablement indiquées sur le métal. Dans le Cache mire, le même artiste est à la fois dessinateur, sculpteur et cise leur. Les Cachemiris possèdent d’ailleurs depuis longtemps un talent spécial pour la fabrication d’objets d’art de toute nature : « Us ont, » dit Bernier, « la réputation d’être beaucoup plus fins et adroits que les autres Indiens ; il sont de plus très laborieux et très industrieux : ils font des palleys (palanquins), des bois de lit, des coffres, des