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C’est de l’une des maisons abandonnées du vieux Caire, aux trois quarts en ruine, que provient notre exemple. « il faut aller, dit M. Maxime Du Camp, jusque dans le quartier autrefois occupé par les Mamelucks pour trou ver quelques belles constructions arabes ornées de stalactites et de longs versets du Koran déroulés sur la frise des murailles. » (Le Nil, Égypte et Nubie.) Le document photographique qui nous le fournit ne saurait contenir d’indication plus précise. « Le Caire est un dédale, écrit M. Edmond About dans son Fellah; toutes les rues, sauf une ou deux, semblent construites au hasard; non seulement elles ne portent pas de nom et les maisons n’y sont pas alignées, mais elles n’ont ni commencement ni fin ; on y entre par une porte, on en sort par une brèche. » Ce salon aquatique ancien ( nous verrons quelles peuvent être les probabilités de son âge ) nous semble d’un agencement plus complet que ce qu’on a décrit jusqu’à présent. Si l’eau ne jaillit plus aujourd’hui de son bassin central ; ni ne coule plus légèrement sur les gradins de ses cascatelles, il est facile d’en reconstituer le jeu et de reconnaître la combinaison à l’aide de laquelle la pièce se trouvait irriguée dans toute sa longueur, de façon que, de chacune des chambres, on pût jouir de la fraîcheur d’un véritable parterre d’eau en mouvement. Pour obtenir ce résultat, le dallage en carreaux rouges était incliné dans la direction du bassin central et, de plus, sa surface légèrement convexe, en dos d’âne très adouci, était disposée de façon que la pluie de la cascatelle s’écoulât sur le sol en une nappe transparente comme un voile et vînt, après une dernière, douce et large chute, s’épandre sur le sol inférieur où le bassin l’absorbait. C’est parce que l’écoulement de l’eau des cas catelles des deux fonds de la pièce se faisait ainsi, qu’on ne voit pas à leur pied le bassin qui reçoit immédia tement les eaux de la cascatelle du milieu. Les jeux de ce genre devaient être vivement appréciés chez une race intelligente et sensuelle, pour laquelle ils étaient un véritable bienfait. Ce qu’était un tel séjour, décoré avec un art si exquis, à l’époque où la demeure fut construite, qui ne le pressent en voyant ces mosaïques de marbre, ces carreaux émaillés, ces boiseries fines, ces murs enduits de stuc aux frises ornées d’inscriptions magistrales, ces stalactites soutenant de leur encorbellement les pou tres des plafonds, ces sofas, ces tapis, etc., etc.? N’est-ce pas en des endroits pareils que l’on peut redire ce qu’éprouvait Ampère en parcourant les rues du Caire : « Il semble qu’on relit les Mille et une nuits. » De fait, ces maisons abandonnées, d’âge incertain, ne sont peut-être pas très éloignées de l’époque même où ces contes merveilleux furent rédigés au Caire, dans la forme qu’ils ont présentement (vers le commencement du seizième siècle, selon M. Lane qui en a donné la première version exacte). N’est-il pas vraisemblable qu’une splendeur d’aussi bon goût, d’aussi beau style appartienne aux époques qui ont précédé la conquête des Turcs, ou que du moins elle se rapproche de ces temps anciens? Car, ainsi que l’affirme Ampère, « depuis cette con quête le Caire n’a jamais recouvré la fraîcheur et l’éclat que les mœurs, les habitations, les costumes, ont dans les récits de Scheerazade. » En tous cas la pureté de cette décoration est bien éloignée de l’Egypte moderne où, dit encore M. Maxime Du Camp, « l’art n’est pas même en décadence, il n’existe plus. » Document photographique. — Aquarelle de M. Stéphane Baron. Voir pour le texte : P. Goste. Architecture arabe ou Monuments du Caire, Paris, Didot. — Description de l’Egypte, Institut d’Egypte, tome II, deuxieme partie.