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XIX portance acquise par les femmes dans le manoir seigneurial, dit Quicherat, s’étendit à celles des autres classes de la société. L’épouse, quittant le rôle de pupille ou de domestique, fut réputée l’é gale et l’associée du mari. L’aspect extérieur que donne le costume ne saurait donc servir de base pour juger de la moralité des gens; et nous n’avons point de révélations sur les mœurs des dames moulées par la cotte-hardie qui équivalent à celles de Brantôme sur les honnestes dames pudique ment habillées par la robe au collet en carcan, que l’on portait dans l’entourage de Catherine de Médicis. L’anecdote racontée par Paul-Louis au sujet de la grande dame de l’entourage de Louis XIV qui vint au sermon en habit de chasse, un habit clos, et que le prédicateur en chaire rappela au res pect de la maison de Dieu en l’envoyant s’habiller (ce que la dame fit en revenant décolletée et la poitrine en vue, selon le ton de la toilette de cour), donne des exigences de ce qu’on appelle le monde une idée très précise; et malgré l’intention du railleur qui rapporte cette anecdote, on peut voir dans cette leçon un rappel légitime à des convenances respectables, c’est-à-dire ayant été respectables en leur temps, toutes singulières que puissent nous paraître aujourd’hui de pareilles toi lettes à l’église. Pour le bal paré, ainsi que pour les assemblées de grande cérémonie, nos dames s’ha billent encore ainsi en se déshabillant, comme on l’a dit souvent; mais quiconque a vu de près la vraie et noble femme du monde obéissant à cette obligation a pu se convaincre que plus l’épaule est nue, moins, en quelque sorte, elle est exposée à un danger quir este imaginaire; l’invisible mur d’ai rain qui la protège n’est point de ceux que l’on franchit. Les convenances exigent (et rien de plus despotique que les exigences des convenances) que l’œil qui voit ne s’arrête point sur ce qu’on lui montre, et que même il n’ait point l’air de voir. Il ne faut donc point chercher à faire dire au costume plus qu’il ne signifie, en réalité. La mode changeante n’est d’ailleurs point l’indice le plus sûr sur lequel on puisse juger du caractère des so ciétés. Ses caprices et ses libertés ont été véritablement beaucoup moins contagieux qu’on le sup pose, à en juger par la ténacité de ce qu’on appelle les costumes nationaux, perpétuant des tradi tions locales, dont les évolutions lentes indiquent tout autre chose que la mobilité du caractère des masses; et enfin, nous avons eu souvent à en faire la remarque, contrairement à tous nos préjugés sur ce chapitre, la coquetterie des femmes se montre généralement, c’est-à-dire dans les classes po pulaires, beaucoup moins éprise des nouveautés que ne l’est la coquetterie des hommes, dont la hraverie prend un caractère significatif en se rattachant à l’importance de l’homme, dans la famille agricole particulièrement. (Voir à ce propos notre « Essai sur la philosophie du costume » inséré dans la notice de la pl. 413, traitant des mœurs norvégiennes, suédoises.) Mais abandonnons ce champ, en nous souvenant de la parole de La Bruyère : « Il est bon d’être philosophe, il n’est guère utile de passer pour tel. » Nous nous arrêterons quelque peu sur les costumes populaires, dits nationaux, le sujet étant de nature à redresser certaines données sur le fond du caractère des populations, entre autres sur la soi- disant mobilité du Gaulois; opinion si généralement acceptée, et depuis un si long temps, qu’on nous l’a inculquée à nous-mêmes. Notre argumentation sur ce sujet est directement tirée du cos tume. La reconnaissance que nous avons dû faire de quelques-unes des choses du passé des Ibériens et des Gaulois, retrouvées en partie parmi les usages modernes en Espagne et en France, expliquera