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épines et des ronces » sans toutefois l’y abandonner entièrement, c’est-à-dire avec un courroux flé chissant, ainsi que l’indique ce passage du récit mosaïque : « Le Seigneur Dieu fit aussi à Adam et à sa femme des habits de peaux dont il les revêtit. » De sorte que ces premiers habillements apparais sent comme une pleine confirmation de ce que révèlent aujourd’hui les exhumations des anthropo logues, au sujet des hommes des temps glaciaires, qu’ils nous montrent sous des habits de peaux conservant leur poil, tels qu’on les trouve représentés en notre planche double, 48-49. Les vêtements eux-mêmes n’existent plus, mais peu importe ; leur conservation n’en dirait pas plus que les racloirs ou grattoirs servant à la préparation des peaux, les perçoirs ou les alênes trouant la peau pour le pas sage des aiguilles en os, avec les petits polissoirs de grès pour acérer ces aiguilles, et enfin les cou teaux en silex pour diviser les tendons qui servaient de fil. C’est voir l’habit lui-même que de con sidérer cet outillage collectionné dans nos musées. Et c’est tout un monde, des foules et des foules pendant des séries de siècles, qui se présentent ainsi sous la livrée de notre misère originelle. C’est de ces temps encore si profondément obscurs, de cette longue nuit des temps précédant de si loin nos âges historiques, que sont écloses les civilisa tions, c’est-à-dire les sociétés ayant prospéré diversement, quand l’immobilité ou la rétrogradation n’est point fatalement demeurée la loi, partout où l’individualité du barbare est restée la maîtresse. Règle non absolue, d’ailleurs, puisque, entre les civilisations complètes et la sauvagerie, nombre de peuples sont devenus et restés des demi-civilisés. Entre temps, l’homme paraît avoir imaginé le tatouage ou la gravure de la peau pour donner du renfort à son système cutané; les peaux de toutes les races ont été tatouées, les blanches non moins que les noires, les jaunes et les bistrées. Le fait est d’autant plus à noter que, si ce renfort de la peau avait pu devenir un préservatif suffisant sous tous les climats, on peut supposer que l’homme n’aurait peut-être pas été amené à l’usage des vêtements. Au surplus, dans la rapidité des grandes étapes de la Genèse, on ne trouve rien touchant les évolutions de l’industrie après le premier pas fait par elle. C’est sans transition que, selon le ré cit sacré, les fils immédiats de Caïn construisent des villes, tandis que d’autres demeurent dans des tentes; celui-ci est le père de ceux qui jouent de la harpe et de l’orgue; celui-là, Tubalcaïn, qui eut l’art de travailler avec le marteau, se montre habile en toutes sortes d’ouvrages d’airain et de fer. Le progrès ne chôme pas; ici ce sont les pendants d’oreilles et les bracelets de Rebecca, avec les riches vêtements dont son père lui fait présent pour son trousseau de noces; là, c’est la robe de plusieurs couleurs que le vieil Israël fait faire pour son Joseph bien aimé. Cela est expéditif et mène droit en plein milieu pharaonique. Or, dès le moment où la graphie du sculpteur égyptien se sub stitue à celle du calam, les monuments remplacent avec un avantage incomparable toutes les des criptions, si souvent plus que sommaires en tout ce qui touche au costume et à la toilette. Et il en est de même avec Homère, entrant de prime-saut en pleine civilisation. Pour ne parler que des textiles, Hélène dans son palais travaille à un merveilleux ouvrage de broderie, un grand voile brodé par-dessus et par-dessous, tout brillant d’or. La reine Hécube descend dans un cabinet parfumé de toutes sortes d’odeurs les plus exquises, où elle avait quantité de meubles précieux, qui étaient tous ouvrages de femmes sidoniennes, et parmi tous les tapis quelle y visite soigneusement, elle choisit le plus grand, le plus beau, celui qui lui parut le mieux travaillé; il était éclatant d’or et brillant comme le soleil. C’est donc véritablement sans transition d’aucune sorte que l’on passe delà misère primitive,