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— 310 — forme d’habitations, coupées par des ruelles misérables et des carrefours irréguliers; ils n’y verront que des ruines où croissent la mousse, la giroflée et la mauve ; que des monastères inhabités, des temples déserts, des palais vides, des rues sans becs de gaz, des magasins où l’on ne vend pas et des ateliers où l’on ne travaille pas ; mais ils ne re marqueront point ces portails élégants -du style de la Re naissance, ces gracieuses croisées arabes, ces hautes gale ries d’arcades aériennes, en un mot, tous les riches souve nirs des siècles passés, que Cordoue a entassés dans ses murs, et qui en font un véritable et somptueux musée d’antiquités ! Tout cela, toute cette poésie de la ville mau resque reste au visiteur qui aime les beaux-arts et qui se plaît à songer aux gloires du passé ! Pour lui, Cordoue est le noble berceau de Lucain, des Sénèques, d’Averroès, de saint Euloge, du grand capitaine Gonzalve, de Moralès et de tant d’hommes illustres; c’est l’ancienne capitaled’Abd- er-Rabmman ; c’est une ville qui porte encore avec dignité les lambeaux de la toge romaine, du manteau musulman et de la cotte de mailles espagnole. Elle vit, avec ses vieux écussons, jusqu’à ce qu’ils tombent en poussière ; elle garde ses pierres latines, ses reliques arabes, ses édifices à ogives; elle fait comme le gentilhomme pauvre, qui supporte la faim sans rien demander à personne ! Nous étions descendus à l’hôtel Suisse, beaucoup mieux tenu, beaucoup plus propre, sous tous les rapports, que la fonda del Lino à Tolède ; aussi l’appétit me revint-il tout-à coup, dès que je fus assis à une table d’hôte honnêtement servie et ne sentant pas trop la cuisine à l’iiuile. Il est vrai que j’étais passablement affamé, après une diète forcée qui avait, pour ainsi dire, duré depuis Madrid jusqu’à Cordoue. On nous logea dans une annexe de l’hôtel, où nous aurions été parfaitement bien, si nous eussions pu y faire du feu, car il faisait froid et il tombait de l’eau ; mais il n’y avait pas de cheminée, puisque nous étions dans l’Andalousie, un pays qui doit nécessairement être chaud, quand même ! Il faut avouer que nous n’avions pas une chance très-favo rable par rapport au beau temps. Notre guide de Tolède