LA TERRE DE SERVITUDE. 03 « Simba est un homme grand et fort ; mais lequel préfères- tu, de ton fds Sélim ou de ton esclave Simba? — Quelle question, mon enfant chéri ! N’es-tu pas mon fils, n’est-tu pas le fils de ma chère Amina? Mon affection pour toi s’est-elle jamais démentie? — Jamais; non, jamais, cher père; mais Simba t’a rendu ton fils, car sans lui j’étais mort. Simba t’a-t-il payé l’équiva lent de ce qu’il t’a coûté quand il était enfant ? est-il libre enfin ? — Simba est bon; mais si je t’avais perdu, j’aurais tout perdu. Tu l’as dit, mon enfant, Simba est libre, et n’est plus désormais l’esclave d’Amir ben Osman. — Simba ! cria Sélim ; mon bon Simba ; entendez-vous les paroles de mon père? Vous êtes un homme, vous n’êtes plus un esclave. » Tout d’abord, Simba parut ne pas comprendre toute la por tée de ces paroles ; mais quand on les lui répéta, un sourire d’orgueil éclaira sa figure; la tête haute et les narines dilatées, il dit : « Esclave ! c’est un vilain mot. Mais Simba, de la tribu des Ouahoumas, de l’Ouroundi, jamais, en son âme, n’a été esclave : aussi ce mot l’a d’abord étonné. Simba depuis longtemps aurait pu être libre s’il l’avait voulu, mais il aimait son maître et le fils de son maître ; voilà pourquoi il est resté leur serviteur ; mais tout en étant leur serviteur, il n’a jamais oublié qu’il est un homme. Simba est reconnaissant à Amir et à son fils Sélim; toutes les fois qu’il songera qu’il est libre, il sera heureux aussi de se souvenir qu’il est leur serviteur. « A ces mots, il plia le genou, et baisa la main du père ainsi que celle du fils. « Ah Simba! mon ami! s’écria Sélim, je t’appellerai mon ami ; tu me tutoieras et je te tutoierai, comme je fais avec mon père et lui avec moi. Si tu es reconnaissant, Sélim aussi a un cœur qui sent vivement.