54 LA TERRE DE SERVITUDE. pour chasser. Il était accompagné de Simba et de deux autres hommes nommés Barouti et Mombo. Tous les quatre se dirigèrent vers l’extrémité supérieure du lac étroit auprès duquel campait la caravane. Les tiges de matete, les lances, l’herbe au tigre, croissaient à profusion près de cette extrémité ; au delà, il y avait un fourré épais qui s’avançait jusqu’au bord de l’eau. Sélim et ses compagnons gagnèrent ce fourré, Simba ayant déclaré qu’on y trouverait du gibier. Une fraîcheur délicieuse régnait sous le couvert; ils ne pu rent résister au plaisir de se reposer un peu et de sc rafraîchir, après le mal qu’ils s’étaient donné pour passer à travers les hautes herbes. Simba et Sélim gagnèrent l’ombre épaisse d’un tamarin monstrueux. Barouti s’installa à 30 mètres du tamarin. Quant à Mombo, fatigué de la longue course du soir, il s’étendit à l’ombre d’un jeune mimosa, au bord de l’eau. Le bois était si frais, le silence si profond, ils étaient si fati gués, qu’ils ne tardèrent pas à s’endormir. Pendant qu’ils dormaient, voici ce qui sc passa. La surface de l’eau dormante se rida légèrement à un cer tain endroit; un objet informe apparut furtivement : c’était la tête d’un crocodile. Les yeux, froids et fixes, regardaient l’en droit où dormait Mombo. Pendant quelques minutes, le croco dile demeura immobile comme un énorme morceau de bois aux trois quarts enseveli dans l’eau; d’un mouvement imper ceptible, la lourde masse commença à flotter ; elle sortait de l’eau à moitié, et l’on distinguait les larges écailles qui mar quaient l’arête, du dos. La queue puissante ne faisait pas un mouvement; les lourdes pattes, courtes et trapues, s’agitaient à peine, c’en était assez pour faire avancer l’animal vers le bord.