LA TERRE DE SERVITUDE. 2a baobab, qui était entre eux et moi. Si tous les éléphants avaient été en ligne pour boire dans la rivière, je n’aurais jamais pu m’approcher d’eux sans être découvert. Mais un gros gaillard plus altéré que les autres se tenait au beau milieu du courant. Son flanc touchait presque au baobab. Il me masquait complètement aux regards des autres. Voici le raisonnement que je me faisais : Kisesa ne m’a pas dit de tuer des éléphants; mais il ne m’en voudra pas de lui rapporter deux défenses (qui à Zanzibar vaudront cinq cents dollars), puisqu’il est venu dans l’Oukonongo pour y chercher de l’ivoire ; or, il me promet 4 mètres d’étoffe pour une anti lope, donc il me donnera beaucoup de mètres pour deux défenses de cinq cents dollars. Cette idée me poussa en avant, et je fus bientôt tout près de l’éléphant qui touchait au baobab. Au bout de quelques minutes qui me parurent des heures, je me levai debout, et je com mençai par serrer ma ceinture autour de mes reins, comme un homme dont la vie va dépendre de sa rapidité à la course. Juste au moment où j’aurais dû faire feu, il me passa par la tète une idée folle. Cette bête se présentait à moi de dos, et je n’aurais eu qu’à étendre la main pour la toucher, je me dis : Quelle bonne chargea raconter! Je vais lui chatouiller la queue! Je cueille un grand brin de paille, et je le promène à partir de la queue, tout le long de la cuisse jusqu’au ventre. C’était délicieux de voir le petit tronçon de queue se trémousser et décrire des cercles, pendant que l’animal s’appuyait contre l’arbre, et s’y grattait de toutes ses forces. Quand ce jeu eut duré quelques minutes, je pris mon fusil, et visant la bête à trois pouces en viron en arrière de la jambe gauche de devant (c’était le bon endroit à cause de la place que j’occupais), je fis feu. L’éléphant fit un bond en avant, et me démasqua aux regards étonnés des Geographische Zentralbibliothek Leipzig