LA TERRE DE SERVITUDE. 21 lion, et nullement recommandable pour sa véracité, a déclaré qu’un jour Motto, qui s’était mis à la poursuite d’un lion dans un fourré, trouva l’animal endormi, et par pure bravade, s’étant approché sans bruit, l’enjamba avant de lui casser la tète d’un coup de fusil. Les amis de Motto le définissaient : un homme qui a la bra voure du lion, l’agilité du chat, la vue perçante de l’aigle pêcheur, la vivacité de la poudre, la patience de l’âne, et la fidélité du chien. Ajoutez à cela qu’il était un peu vain, et vous aurez tout le portrait de Motto. La première nuit d’une caravane n’est pas bien gaie : ou bien on pense aux joies et au bien-être que l’on a laissés derrière soi ; ou bien, l’on est méfiant, et l’on étudie ses com pagnons de routé avant de leur faire des avances. Rien de pareil dans le camp d’Amir. On ne regrettait pas Zanzibar, puisque l’on était parti en compagnie du maître et de son fils; on n’avait pas à s’étudier, puisque chacun des membres de la caravane connaissait tous les autres. Le départ n’avait pas rompu de liens d’amitié, ou de parenté. Ceux qui étaient mariés avaient leurs femmes avec eux; ceux qui étaient céli bataires avaient autour d’eux les visages bien connus de leurs amis. Tous étaient de la même famille. Cela ressemblait à l’émigration de toute une colonie. Il suffisait de jeter un regard dans l’intérieur des buttes, pourvoir que tout le monde était heureux, ou du moins content. Les bonnes figures de tous ces nègres exprimaient la joie. Ils s’intéressaient à des histoires qu’on leur avait déjà dix fois ra contées. Lorsqu’une explosion de rire plus bruyante que les autres éclatait dans le campement, et faisait résonner la forêt, on pouvait être sûr que Simba ou Motto venaient de raconter quelques-uns de leurs exploits. Le groupe d’où partaient ces bruyants éclats de rire était ac-