20 LA TERRE DE SERVITUDE. dait d’un seul coup une chèvre en deux, de la tète à la queue. Ses admirateurs nègres pensaient qu’il aurait tout aussi bien coupé un âne en deux; mais il n’avait jamais essayé, parce qu’il n’était pas assez riche, et que les ânes coûtent trop cher. Avec un jeune bœuf de trois ans sur son dos, il avait fait la moitié du tour de la plantation. Il lui était arrivé souvent de prendre par les oreilles un de ces grands ânes blancs de Mascate, et de le renverser sur le dos d’un croc en jambe. Une fois, dans une circonstance extraordinaire, il avait porté douze hommes, sur son dos, sur ses épaules et sur sa poitrine, autour de la maison de son maître, aux applaudissements fré nétiques d’une nombreuse assistance. Il lançait un homme de taille ordinaire à dix pieds en l’air, et le rattrapait aussi aisé ment qu’un autre homme rattraperait un petit enfant. Il cou rait une foule de récits sur son compte. Sans chaussures, il avait six pieds cinq pouces, et il mesurait trente-deux pouces d’une épaule à l’autre. Motto ou le Feu était tout à fait digne de son nom par son caractère ardent et irascible. 11 était de l’Ourori. Petit, nerveux, agile comme un chat, il montrait beaucoup de force, et suppor tait admirablement les plus grandes fatigues. Lui aussi avait été pris tout jeune, et amené à Zanzibar par un marchand d’esclaves ; par pur caprice, Amir l’avait acheté vingt dollars. Il n’eut jamais à regretter son argent, et Motto était celui de ses esclaves qu’il aimait le plus après Simba. Pour rendre service à son maître, Motto se serait jeté au feu. C’était un grand chasseur : sur un rocher, il eût suivi à la piste le léopard aux pattes de velours ; il vous eût dit quel animal avait brisé un brin d’herbe, pourvu que la bête y eût laissé un seul de ses poils ; il pouvait s'ap procher d’un éléphant et lui chatouiller le ventre avec une paille, sans lui laisser deviner qu’il y avait là, tout près de lui, un ennemi mortel. Un témoin légèrement porté à l’exagéra-