238 LA TERRE DE SERVITUDE. Le soir du cinquième jour, ils arrivèrent au pied d’une col line conique, près d’un ruisseau limpide, à la lisière d’un fourré de bambous. A partir de ce moment leur marche s’accomplit à travers des bois touffus, des fourrés de bambous, des coins de terre semblables à des parcs; puis ils longeaient des collines coniques, des ourlets de roches grises, et suivaient des ravines pro fondes. Ils arrivèrent enfin dans une plaine parsemée de bou quets de grands arbres, et dont les gazons étaient aussi doux à l’œil que du velours. Pendant cette série de marches, ils avaient suivi une pente insensible, mais continue, qui les amenait forcément dans les environs du lac. Le gazon d’ail leurs devenait plus dru et plus vigoureux : c’était encore un indice. Quand ils eurent établi leur campement, ils sou- pèrent d’un peu de viande boucanée, mais avec l’assurance de trouver dès le lendemain du gibier dans cette plaine. Vers minuit, ils furent réveillés en sursaut par le rugissement d’un lion. « Qu’est-ce que j’avais dit? s’écria Motto. Je savais que le gibier devait abonder dans cette région; car s’il n’y avait pas de gibier, il n’y aurait pas de lion. Sélim, tu feras bien de préparer ton fusil, car si ce lion est affamé, il pourrait bien se jeter sur l’un de nous. — Je le vois, murmura Kaloulou. Là, là, regarde cette forme noire qui s’avance lentement ; il vient de dépasser ce gros arbre. Ah ! il s’arrête et regarde de notre côté. — Chut! fit Simba, il arrive. Vise bien, jeune maître. — Est-ce le moment? demanda Sélim à voix basse. — Non, non, non, répondit Motto. Je donnerai le signal. En pleine tête surtout; car tout serait perdu s’il n’était que blessé. » Quels battements de cœur ! on aurait presque pu les enten dre. Le lion s’avançait toujours. On ne l’entendait pas marcher.