192 LA TERRE DE SERVITUDE. Quand Sélim, Motto et Siraba s’écartèrent des Ouatoutas, Motto marcha à côté de Sélim, et lui donna tout bas ses der nières instructions : il ne tirerait qu’à bon escient, et seulement sur le dernier éléphant qui passerait devant lui; il viserait der rière l’oreille ; comme les oreilles seraient tout naturellement dressées, rien de plus facile que de viser, et ce point de mire serait excellent. Sélim promit tout ce qu’on voulut et s’em busqua derrière l’arbre qui faisait la limite du couvert dans la direction de l’étang. Simba se plaça à quelques mètres plus loin à la gauche de Sélim, et Motto à la gauche de Simba. Ainsi postés, ils atten dirent. De l’endroit où il était, Sélim put apercevoir Kaloulou, lorsqu’il sortit de la ligne formée par les chasseurs ; il entendit le chant de mort qu’il chantait, et, osant à peine respirer, le doigt sur la détente, il s’impatientait un peu. Il vit Kaloulou lancer sa javeline, il le vit fuir, il entendit le bruit assour dissant des Ouatoutas ; juste au moment où son cœur palpitait le plus fort, où son pouls battait avec le plus de violence, et où ses oreilles sifflaient, les éléphants effrayés arrivaient de son côté avec un fracas de tonnerre. Il attendit, comme on le lui avait recommandé, que le dernier éléphant eût dépassé son embuscade; alors, domptant par un puissant effort de volonté l’émotion qui lui faisait bondir le cœur et trembler la main, il visa : les deux coups partirent à la fois. Le fusil chargé à double charge repoussa et renversa le jeune tireur. Tout en tombant, il vit l’éléphant trébucher et s’affaisser comme une masse inerte. Sélim se releva rapidement, ramassa son fusil, et se mit à regarder où en étaient les choses. Les éléphants étaient en dé route et fuyaient à toutes jambes, laissant derrière eux deux traînards qui boitaient. Simba et Motto étaient déjà à leurs