186 LA TERRE DE SERVITUDE. arbres ; de vieux nègres à tète blanche, assis sur des escabeaux à trois pieds, se racontaient les uns aux autres les chagrins, les joies et les exploits de leur vie passée, tandis que des négril lons aux jambes grêles, au ventre proéminent, écoutaient de toutes leurs oreilles, en écarquillant les yeux. Enfin, on aperçut une ligne sombre à l’horizon; c’était la grande forêt que Sélim connaissait trop bien ; on entra sous les voûtes sombres des grands bois, et on y marcha encore huit jours avant d’atteindre le terrain de chasse. Les larges chemins, où la terre était battue par le pied large et pesant des éléphants, semblaient avoir été passés au rouleau et mon traient une surlace aussi unie que l’asphalte. Il n’était pas difficile de voir que c’étaient là les passages familiers de ces énormes bêtes. Il y avait dans le sol de cette région des trous de forme allongée et sinueuse, recouverts en partie par des buissons, des halliers, des touffes de gazon et de larges roseaux. Les gens qui connaissent le pays savent que ces creux recèlent une eau claire quoique stagnante. Les chaussées qui séparent ces marécages sont couvertes de broussailles et forment toutes sortes de méandres. Des arbres gigantesques étendaient au- dessus de ces marécages lêur voûte de feuillage ; et les élé phants, sans craindre aucun ennemi, venaient s’y rafraîchir aux heures brûlantes du jour. Après avoir franchi cette région marécageuse, les chasseurs parvinrent, vers le coucher du soleil, dans un fourré épais, où s’élevaient de distance en disance d’énormes baobabs. Choi sissant un de ces arbres comme centre de leur campement, il coupèrent les buissons et les petits arbres tout autour, et de cet abatis firent une sorte de rempart. C’était une défense suffisante contre les bêtes féroces et les maraudeurs. Alors ils se construisirent des huttes d’herbe et de branchages.