LA TERRE DE SERVITUDE. 169 évident que l’embarcation allait chavirer, ils se jetèrent à l’eau dans trois directions différentes, plongèrent jusqu’au fond et se dirigèrent versl’île. Pendant quelques minutes, l’hippopo tame resta maître du champ de bataille ; n’apercevant aucun ennemi à la surface de l’eau, il plongea, après avoir poussé un horrible beuglement. Immédiatement après, Sélim reparut à la surface, à plus de 20 mètres de la scène du désastre ; il nageait vigoureusement vers l’ile, qu’iLatteignit bientôt. A ce moment Abdallah était à dix mètres du bord, Kaloulou y touchait, Simba, Molto et les deux guerriers étaient près de lui. En une minute ce dernier groupe fut sur le rivage ; Kaloulou avait perdu son fusil, mais il avait sa lance en main; les deux guerriers avaient aussi leurs lances; Simba et Motto avaient gardé leurs fusils; ils avaient en outre de grands couteaux de chasse passés à la ceinture. Quand tout le monde se fut un peu secoué au sortir de l’eau, on commença à encourager Abdallah à redoubler de vigueur. Il n’était plus qu’à cinq mètres de la rive, déjà Simba et Motto lui tendaient leurs fusils pour l’aider à sortir de l’eau ; tout à coup la ligure souriante d’Abdallah prit une expression d’hor rible épouvante ; il poussa un cri déchirant, et les eaux se re fermèrent par-dessus sa tête. Tous les assistants furent pendant une minute paralysés par l’horreur. Kaloulou à la fin prononça ce mot terrible : « Le crocodile ! » Alors Simba et Motto respirèrent, les autres firent entendre des mots sans suite et Sélim s’écria : « Sauvez-le ! oh ! sauvez le pauvre Abdallah ! » Il n’avait pas besoin de prier Kaloulou. Déjà en un clin d’œil le jeune chef avait quitté ce qui lui restait de ses vête ments humides, il avait brisé la hampe de sa lance au ras du